4.4.2017, Aude Haenni / Les photos sont admises dans la rue. Shooter un produit en vitrine, c’est permis, car vous êtes sur le domaine public. Sauf si ladite rue fait partie d’un lotissement privé! MJTH/shutterstock.com
Tout instantané n’est pas bon à prendre. Ceux faits en magasin sont soumis à autorisation. Décryptage.
Prendre en photo deux paquets de riz pour que son conjoint confirme que l’on se procure le bon, faire de même avec la couverture d’un livre dans l’idée de le mettre sur la liste des envies pour plus tard, prendre un selfie lunettes de soleil sur le nez pour que sa meilleure amie donne son avis… Les raisons qui font que l’on dégaine son smartphone dans un magasin sont nombreuses. Ce geste remplace aujourd’hui le sms ou le bloc-notes, sans arrière-pensée.
Jusqu’au jour où un agent de sécurité vous tombe dessus, affirmant que la prise de vue est illégale. C’est ce qui est arrivé à l’une de nos membres, au détour d’un rayon de Migros, où on l’a priée d’effacer l’image sur-le-champ. «Nos succursales sont des lieux privés. Et en tant que tels, les photos sont soumises à autorisation», explique Tristan Cerf, porte-parole.
«Il s’agit effectivement d’un territoire privé et la norme pénale est là, précise Bertil Cottier, professeur ordinaire de droit de la communication. A première vue, tout le monde peut entrer dans un magasin. Mais en prenant une photo, le but premier – l’achat – est détourné. On peut vous demander de quitter les lieux.» Plutôt rare d’en arriver là, mais un client averti en vaut deux.
Une autre raison est invoquée: celle du droit à l’image. Chez Aldi, le règlement précise que «les photos prises dans les filiales ne sont pas souhaitées, mais le personnel de vente se montre conciliant dans l’interprétation des directives tant que les droits de la personnalité des collaborateurs ou des autres clients sont respectés». Coop peut conditionner des photos à une autorisation préalable, et ce pour cette même raison.
Flou avec les réseaux sociaux
Sachez par contre que dans les succursales Denner, les produits – mais eux uniquement – peuvent être photographiés librement et que Manor admet la prise d’images pour autant qu’elles soient utilisées «à des fins personnelles, telles qu’essayage d’habits ou d’accessoires, scan du code-barres dans le cadre de certaines applications, selfies», détaille Elle Steinbrecher, porte-parole de l’enseigne. Difficile tout de même pour le consommateur de s’y retrouver, alors que le wifi est partout et que certaines grandes surfaces incitent aux partages de photos sur les réseaux sociaux, en témoignent les #MeinCoop ou #Manorlive. «Ici, on vous invite à faire autre chose que les traditionnels achats, soit de la publicité pour le magasin», souligne Bertil Cottier. Et ici encore, le client doit rester dans cette optique, et ne pas critiquer un produit.
Qu’il s’agisse d’une parodie, passe encore, mais appeler au boycottage, c’est une autre histoire: le client pourrait se retrouver sous le coup de la Loi contre la concurrence déloyale (LCD). «Sans être un concurrent, son geste peut fausser la concurrence, explique le professeur. Mais tout reste question d’interprétation de la part du juge: a-t-on voulu dénigrer un producteur ou informer la population sur un produit dangereux ou impropre à la consommation?» Quoi qu’il en soit, et d’autant plus sur les réseaux sociaux où la diffusion d’une image peut rapidement devenir virale, la prudence reste de mise… Et Tristan Cerf de rappeler que si un produit pose problème, le service client reste la meilleure des solutions.