12.11.2024, Sandra Imsand / On passerait 32 heures devant un écran chaque semaine. Moyenne qui s'allonge pour les professions qui nécessitent un écran. Les filtres sont-ils la panacée? Photo: Shutterstock
S’il existe des raisons médicales qui valident l’utilisation de certains filtres, parfois le marketing et la mode prévalent. Des experts passent en revue quelques idées reçues.
Jaune, bleu, brun, violet ou rose: certains filtres de lunettes ont pour but de protéger les yeux contre différents rayons. Pour quelques-uns, la raison est médicalement validée; pour d’autres, la logique est purement commerciale ou s’apparente à un effet de mode. Parfois, changer une habitude permet une vraie amélioration dans le confort. Entre vérités et croyances, le point avec Tim Beltraminelli, ophtalmologue, Bertrand Conod, ergothérapeute, et Sandro Minder, optométriste, de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne.
Protéger du soleil
Les ultraviolets (UV) sont des rayons de courte longueur d’onde invisibles à l’œil nu. Ils proviennent de sources naturelles (soleil) ou artificielles (lumière noire, fer à souder, cabine de bronzage). La plupart des UV sont naturellement filtrés par le cristallin, la cornée et l’humeur aqueuse de l’œil.
Les yeux bleus sont-ils plus sensibles? Non. La couleur des yeux est définie par l’iris, mais la partie pigmentée qui se situe juste derrière est brune chez tout le monde. Il ne devrait pas y avoir de différence de sensibilité aux rayons UV.
Les enfants sont-ils plus fragiles? Oui et non. Leurs yeux sont en développement, il faut donc les protéger du rayonnement, mais pas non plus les priver de stimuli. Si l’on fait porter des lunettes de soleil de façon excessive dès le plus jeune âge, cela peut aussi poser problème. L’exposition continue aux UV et leur absorption engendre l’opacification du cristallin et donc, avec le temps, la cataracte.
Nos vies aujourd’hui se déroulent à 50 centimètres. Il faut donc penser à placer sa vision plus loin. Tim Beltraminelli, ophtalmologue.
Faut-il porter des lunettes de catégories élevées (3 ou 4) pour être bien protégé? Non, c’est sans impact. La catégorie est liée à l’obscurcissement des verres, c’est donc plus une question de confort que de protection, cette dernière est assurée dès la classe de protection 1. Il est par exemple interdit de conduire en Suisse avec des lunettes de catégorie 4.
Le prix des lunettes a-t-il un impact sur leur degré de protection? Absolument pas! En Suisse, 100% des lunettes proposées à la vente protègent contre les rayons, même les modèles très bon marché. Des sigles apposés sur les branches indiquent le respect des normes de protection anti-UV.
Les rayons UV peuvent-ils poser de graves problèmes aux yeux? Oui. Il s’agit de dégâts thermiques qui interviennent lorsqu’on regarde une éclipse sans protection adéquate, par exemple. Certains métiers ou occupations causent également des dommages; on parle notamment de la kératite du soudeur pour qui travaille avec des flammes ou des lasers et pour qui installe des panneaux solaires. Il existe aussi la kératite des neiges, liée à la réflexion du soleil sur la surface blanche. Ces maux se présentent sous la forme de fortes douleurs aux yeux, et ces derniers deviennent rouges. Selon l’atteinte, les dégâts peuvent se résorber ou rester permanents.
Protéger contre l’éblouissement
Certains verres de lunettes sont teintés de jaune pour gérer la lumière bleue gênante. Ces filtres se présentent aussi sous forme de clips à poser sur la monture. Plus qu’une simple coquetterie, ils peuvent apporter un vrai soulagement aux personnes qui souffrent d’éblouissement.
Dans quel cas l’éblouissement est-il plus problématique? Lors de conduite nocturne ou par temps couvert. En cause: les sources lumineuses intenses des lampadaires ou des phares de voiture.
Les verres jaunes luttent-ils contre cet éblouissement? Oui, il est possible d’améliorer le contraste et l’appréhension des distances. Mais le port de ces verres peut aussi perturber la perception des couleurs.
À part les filtres, existe-t-il des astuces pour lutter contre l’éblouissement? Oui. Le port d’un chapeau ou d’une casquette permet d’en atténuer les désagréments, tout comme le fait d’adapter la position de son corps ou de son visage par rapport à la source lumineuse.
Protéger contre la lumière bleue des écrans
Accusée de tous les maux, la lumière bleue fait partie du spectre visible et peut être émise par des sources naturelles mais aussi artificielles (LED, écrans, etc.). Elle est essentielle pour avoir une perception normale des couleurs. Sur les lunettes, il existe deux types de protection antilumière bleue: soit un filtre appliqué sur le verre, qui la reflète, soit un verre teinté, qui l’absorbe.
Existe-t-il un lien entre lumière bleue et myopie? Non. Il n’existe à l’heure actuelle aucune évidence scientifique sur cette question, ni de norme médicale qui justifie l’ajout de tels filtres sur des verres.
Existe-t-il un risque avec ces filtres? Oui, car ils peuvent donner un faux sentiment de sécurité et encourager des comportements problématiques, comme de travailler sur un ordinateur jusqu’à tard dans la nuit ou 12 heures par jour. Il est prouvé que de rester l’œil figé tout le temps en vision de près augmente les risques de myopie. C’est vrai pour un ordinateur, mais c’est aussi le cas pour une personne qui lira un livre plusieurs heures.
Existe-t-il des méthodes pour prévenir l’apparition de la myopie? Oui. Elle consiste à placer sa vision à 20 mètres pendant 20 secondes toutes les 20 minutes. Le problème, c’est que nos vies aujourd’hui se déroulent à 50 centimètres de notre visage. Adopter cette méthode permet de varier l’activité et l’occupation des yeux.
Ces filtres sont-ils de simples arguments commerciaux? Sans doute. Le sujet est apparu avec les avancées de la technologies, couplées avec les moyens de communication modernes.