23.9.2014, Nicolas Berlie
En juin, le géant orange s'est donné des allures de géant vert en lançant ses points Cumulus Green en partenariat avec le WWF. Y a-t-il soupçon de "greenwashing"?
Migros a introduit les points Cumulus Green en juin dernier, en partenariat avec le WWF. Son objectif: « éveiller la conscience » de ses clients, comprenez les possesseurs d’une carte Cumulus, à l’égard des produits durables. Comment cela? En faisant toute la transparence sur leurs achats: Cumulus Green comptabilise la proportion de produits verts dans le panier d’achats, soit les produits arborant l’un des douze labels retenus: Migros Bio, Max Havelaar, UTZ, FSC et TopTen notamment.
De quoi dresser un profil durable de chaque client, qui peut le consulter dans son espace sécurisé sur migros.ch (ou au recto de son décompte Cumulus). Il peut comparer sa « greenitude » avec la moyenne de son canton ou la moyenne nationale. En l’état, notons que les Zurichois ont la palme de l’écologie (part Cumulus Green de 19,1%), tandis que Fribourgeois et Valaisans ferment la marche (14.9%). Ceux qui souhaitent accroître leur part d’achats verts peuvent même se fixer un objectif annuel. Dès lors, ils participeront automatiquement à un tirage au sort avec des prix d’une valeur totale de 20’000 francs.
Realpolitik verte?
La démarche est incitative, avec un saupoudrage de culpabilisation, mais quelques points nous chicanent. Le principal, c’est qu’elle émane de Migros: le premier geste durable, c’est d’abord de contrôler sa consommation, un objectif qui semble incompatible avec le modèle d’affaires du numéro un suisse de la distribution. « Migros ne soutient pas la décroissance, confirme Tristan Cerf, porte-parole romand du géant orange. L’objectif n’est pas de donner des leçons au consommateur […]. A Migros, le client est libre et responsable de ses choix, c’est à nous de lui donner les clés et les informations suffisamment transparentes pour qu’il puisse faire ces choix. »
Migros ne brille pas toujours par son éco-responsabilité dans d’autres secteurs, par exemple avec ses récurrentes « Mania » – dernière en date la « Captormania ». Mais l’opération Cumulus Green lui donne une seyante aura écolo – vous avez dit « greenwashing »? -, une image positive bien utile dans la guerre des parts de marché que le groupe livre avec Coop. « Il ne s’agit pas de stimuler les ventes, mais d’offrir une transparence accrue à nos clients », se défend Tristan Cerf.
Le vert, ça rapporte
A ces critiques, on pourra opposer la « Realpolitik », le compromis « win-win ». Mais, puisqu’on parle de parts de marché, relevons aussi que l’opération est tout bénéfice pour Migros, et pas seulement en termes d’image: les produits bio sont ceux qui ont les marges les plus élevées. Comme le notait une récente étude d’Agroscope, et comme on pouvait s’en douter, « la consommation de produits bio augmente avec le revenu ». L’étude note encore que les dépenses pour les produits bio sont passées de 6.5% en 2000 à 8% en 2011.
Quand on sait, selon une enquête réalisée par la FRC en 2010, que l’écart de prix entre le bio et les produits conventionnels dépasse les 60%, on ne peut que saluer le coup marketing du géant orange: on ne sait pas encore si Cumulus Green sera une opération « win-win » pour l’environnement, mais pour la Migros, c’est déjà « MegaWin ».