21.2.2022, Sandra Imsand, Anne Onidi et Barbara Pfenniger
Alimentation, changement climatique, perte de biodiversité ainsi que maladies non transmissibles sont intrinsèquement liés. Et la viande y compte pour beaucoup.
En Suisse, l’alimentation représente 28% de la charge environnementale. Plus d’un quart concerne la viande et le poisson, la production animale étant très gourmande en ressources et en énergie. Si la population ne consommait des produits carnés que deux fois par semaine, la charge environnementale du pays chuterait de 12%. Or, malgré des chiffres implacables, repenser la manière de se nourrir reste un sujet sensible.
Une raison tient à l’image d’Épinal du pays. Avec ses prés et pâturages, la Suisse offre des conditions propices à la production de lait et de viande. Mais hormis le bétail d’alpage dont le pâturage assure l’alimentation, le reste de l’élevage est fortement dépendant de la production de céréales, soja et graisses. Et fait ainsi concurrence à l’alimentation humaine. L’importation de fourrage contribue aussi à des effets néfastes à l’étranger (déforestation massive et la surexploitation des ressources en eau.
Autre motif: le niveau de vie. Plus il est élevé, plus il permet d’acheter des denrées chères et polluantes, comme les fruits exotiques et la viande.
En 2019, des chercheurs ont conçu un régime de santé planétaire, tenant compte des limites de la Terre comme de la prévention de maladies non transmissibles (obésité, diabète, affections coronariennes). Il éviterait 11 millions de décès prématurés par an, cela en consommant quotidiennement 300 g de légumes, 200 g de fruits et 14 g de viande, par exemple. Une transformation radicale de nos habitudes. «La Société Suisse de Nutrition (SSN) recommande qu’un adulte ne mange pas de viande plus de 2 à 3 fois par semaine. Et pas plus de 100 à 120 g à chaque fois, explique Sonja Schönberg, membre du groupe de travail sur l’alimentation durable de l’Alliance alimentation et santé. Or les études montrent que la population adulte ingère près de 800 g de viande et charcuterie. Soit trois fois plus que ce qui est raisonnable.»
Suffit-il de supprimer la viande de ses repas? «S’agissant d’un apport protéique important, elle doit être remplacée, explique encore Sonja Schönberg. Outre les autres sources de protéines animales telles que œufs, produits laitiers et fromage, les légumineuses, noix, graines et céréales complètes en contiennent en quantités importantes. Un repas sans viande pourrait donc se composer de légumes et/ou de salade, d’un féculent – pain, pâtes, riz, pommes de terre, etc. – et d’un accompagnement protéique parmi ces exemples-là.»
Les alternatives ultratransformées à la viande ne sont pas forcément favorables à la santé, malgré une étiquette suggestive. Un Nutri-score obligatoire faciliterait le choix en magasin.
Barbara Pfenniger
Responsable Alimentation FRC
Dans le futur, la viande sera-t-elle bannie de nos assiettes? L’experte n’y croit pas. «Je pars du principe que nous n’allons pas arrêter d’en manger. Je ne suis même pas sûre que cela soit nécessaire. Le monde entier pourrait être approvisionné en protéines si les nations du Nord en mangeaient moins. Si nous parvenions déjà à ce que tout le monde suive les recommandations nationales en vigueur, nous aurions fait un grand pas dans la bonne direction.» Chez les 15-34 ans, le changement de paradigme se fait déjà sentir: on y compte 22% de flexitariens, 13% de végétariens et 6% de vegan. Un taux plus élevé que pour les autres catégories d’âges.