Tatouage
Trop d’encres dans le rouge
Archive · 04 mai 2021


Anne Onidi
Journaliste scientifique
Si l’on en croit les informations que délivre une encyclopédie participative en ligne bien connue, l’homme se faisait déjà tatouer au temps du néolithique. Mais il aura fallu attendre le troisième millénaire, plus précisément l’an 2018, pour que la pratique soit réglementée en Suisse. Dorénavant, tout studio de tatouage ou de maquillage permanent doit s’annoncer auprès des autorités cantonales d’exécution. La directive fédérale impose également un contrôle systématique des salons. Les laboratoires cantonaux analysent régulièrement des encres de tatouage afin d’y débusquer des substances interdites. Pour protéger le consommateur, les produits problématiques sont retirés du marché. Toutefois, cette mesure concerne uniquement les lots analysés, les autres restent en vente. Suite à ces campagnes d’analyses, les laboratoires communiquent leurs résultats, mais sans nommer les encres non réglementaires. Avec nos confrères français de l’UFC Que Choisir, nous avons donc investigué pour avoir un aperçu de l’état de ce marché. Afin d’en découvrir la véritable composition, nous avons ainsi fait analyser des marques populaires dans leurs versions noire, rouge, jaune et vert.
Sombre bilan dans les éprouvettes
Le rapport du laboratoire s’avère catastrophique: détection de colorants interdits, non indiqués, de substances cancérogènes – hydrocarbures aromatiques polycycliques et amines aromatiques – et de conservateurs interdits dans les cosmétiques (lire ici)… Onze encres sur les quinze testées terminent dans le rouge. Parmi celles-ci, deux produits jaune et vert de la marque Intenze ayant déjà fait l’objet d’un rappel en 2020 pour les mêmes raisons. Le constat pourrait surprendre, pourtant il n’étonne guère Urs Hauri du laboratoire cantonal de Bâle: «Nos contrôles dressent un constat similaire depuis des années», explique le chimiste. Nous avons transmis les résultats à quatorze studios de tatouage de Suisse romande. Quatre d’entre eux les ont commentés. Tous déclarent prendre la question du choix des encres au sérieux. Le responsable du studio SAM’s Piercing & Tattoo à Lausanne complète: «A mes débuts, j’ai vu des tatoueurs utiliser de l’encre de Chine achetée à la papeterie du coin. Cela m’a vraiment marqué. J’ai toujours fait attention à la qualité de l’encre, en tant que professionnel du tatouage, mais aussi en tant que tatoué.» Quand on leur demande où ils achètent leurs couleurs, tous répondent se fournir en Suisse, chez des revendeurs agréés et contrôlés. Urs Hauri relève quant à lui que, d’après les douanes, les studios sont encore nombreux à importer des encres de marques risquées.
Le client doit poser des questions
Quant à la clientèle, s’intéresse-telle à cette problématique? Là, les réponses des tatoueurs divergent, certains estimant la population plutôt concernée, d’autres percevant peu d’intérêt autour du sujet. Fin connaisseur de ce milieu, Urs Hauri recommande aux futurs tatoués de se renseigner sur les produits utilisés: «Ils peuvent consulter la liste des encres interdites sur le site de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. Lorsqu’une marque est épinglée plusieurs fois, on peut suspecter un problème.» Une recommandation qui s’applique aussi aux tatoueurs. A Fribourg, Céline du salon Tattoo Spirt dit ainsi s’informer régulièrement de cette manière.
Parmi notre sélection d’encres, les marques Intenze, Eternal Ink et World famous tattoo ink font régulièrement l’objet de retraits. De manière générale, le spécialiste conseille d’opter pour une marque européenne: «Beaucoup de producteurs américains et asiatiques ne respectent pas les réglementations en vigueur en Europe. Quelques rares fabricants européens non plus, mais ils sont moins nombreux.» Alors, l’encre sûre à 100% existe-t- elle? «Non, il y en a qui sont conformes à la législation, ce qui est différent. Il n’y a pas d’étude sur les effets sanitaires des encres de tatouage. Beaucoup de questions demeurant en suspens, le consommateur doit être conscient du fait qu’il y a un risque à se faire tatouer.»
Le tableau des résultats
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