Santé

Remboursement des psychothérapies: une mésentente totale dont les patients font les frais

La FRC a reçu de nombreux témoignages à la suite du changement de régime dans le remboursement des psychothérapies. Il règne actuellement une grande confusion et la situation peut durer. État des lieux et conseils.
Santé Assurance-maladie

Archive · 05 avril 2023

Jusqu’en juillet 2022, une thérapie assurée par un psychologue-psychothérapeute n’était prise en charge par l’assurance obligatoire des soins (AOS) que si elle était déléguée et supervisée par un psychiatre. Ce régime dit de délégation occasionnait de nombreux problèmes, en particulier une difficulté d’accès à des thérapeutes. Le nouveau régime de prescription autorise un accès direct aux psychothérapeutes (exerçant hors cabinet de psychiatrie) sur la seule prescription d’un médecin de premier recours. Le patient peut bénéficier de 15 séances, renouvelables une fois. Au-delà, une garantie de l’assureur est nécessaire sur la base de l’expertise d’un psychiatre.

Désaccord sur le tarif

Cette réforme devait apporter de la fluidité dans le système de soins à un moment où les besoins en santé mentale ont explosé. Elle a malheureusement donné lieu à différents blocages. Psychologues, une partie des assureurs et cantons ont d’abord mis du temps pour définir un tarif pour les consultations (2 fr. 58 par minute ou 154 fr. 80 par heure). Ce tarif est provisoire mais s’applique à tous les assureurs. Des négociations sont en cours pour un tarif définitif. La principale association faîtière des assureurs, Santésuisse, souhaite un prix plus bas. La Fédération suisse des psychologues (FSP) estime au contraire que le montant actuel n'est pas suffisant.

Les franchises élevées en font les frais

Le passage au nouveau régime a également eu pour conséquence que le remboursement de nombreuses thérapies par les assurances complémentaires a été transféré à l’AOS. Changement logique avec des conséquences qu’aucun acteur n’avait pourtant ni anticipé ni abordé dans le cadre d’une information aux patients concernés: parmi eux, de nombreuses personnes se sont retrouvées à devoir assumer les frais de leur thérapie parce qu’elles avaient opté pour une franchise LAMAL élevée…

Enfin, à l’orée 2023, il s’est avéré que le remboursement des prestations assurées par des psychothérapeutes n’ayant pas achevé leur formation postgrade n’était plus garanti chez tous les assureurs. Une situation qui concerne près de 2000 praticiens, selon un recensement de la FSP. Santésuisse s’oppose à un tel remboursement, alors que la communauté d’achat de prestations HSK, rassemblant Helsana, Sanitas et KPT, l’accepte. Pour brouiller davantage les pistes, quelques assureurs affiliés à Santésuisse appliquent le même régime que HSK.

«Une fois encore, les patients les plus vulnérables font les frais du manque de gouvernance du système de santé»

Des plaintes déposées de part et d’autre

La mésentente semble totale entre psychologues et assureurs: la FSP a déposé plainte auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) contre Santésuisse pour le refus de prise en charge des thérapeutes en formation. Santésuisse a de son côté déposé des recours contre le nouveau tarif (appliqué aux thérapeutes dont la formation postgrade n'est pas achevée) auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF). La faitière des assureurs estime qu’il manque une base légale. Elle souligne, par ailleurs, que la FSP a raté le coche en refusant de prolonger le maintien transitoire du régime de délégation (en parallèle du nouveau régime de prescription) ce qui aurait, selon elle, permis le remboursement des thérapeutes en formation. Le 28 mars dernier, dans une lettre d'information, l’OFSP indique les conditions sous lesquelles est possible le remboursement d'une thérapie menée par une personne n'ayant pas terminé sa formation postgrade. On n’en sait guère plus sur les délais du TAF.

Une confirmation écrite de sa complémentaire permet d’éviter les désillusions

En attendant, que faire si son thérapeute n’a pas terminé sa formation ou ne remplit pas les conditions LAMal? La marge est ténue. Les patients disposant d’une assurance complémentaire pour les psychothérapies peuvent s’adresser à elle. Attention, d’un assureur à un autre, les réponses sont à géométrie variable. Assura ou le Groupe Mutuel, par exemple, octroient un remboursement lorsque l’assurance obligatoire des soins n’intervient pas ou lorsque les conditions de prise en charge par l’assurance de base ne sont pas remplies. À ce titre, lorsqu’une thérapie est dispensée par un professionnel n’ayant pas terminé sa formation, elle peut être prise en charge dans la limite des conditions spécifiques de l’assurance complémentaire (franchise, montant plafond). Conformément au fait qu’elle rembourse en LAMal les psychothérapeutes encore en formation, Helsana applique un autre régime: «Le remboursement par la LCA de la psychothérapie-psychologique n’est possible que pour le thérapeute qui a renoncé au régime LAMal. Sinon, la LAMal prévaut.» Enfin, Assura précise: «Ce n’est pas l’assuré qui choisit si c’est l’assurance de base ou l’assurance complémentaire qui intervient. C’est prioritairement la première et ensuite la seconde.» Cette priorité accordée à la LAMal est le seul paramètre identique d’un assureur à un autre. Dans ce contexte, il est recommandé aux titulaires d’une complémentaire de demander une confirmation écrite avant de lancer (ou reprendre) sa thérapie.

Et sans assurance complémentaire? Les solutions manquent malheureusement. Tout dépend de l’assureur. La FSP tient à jour une liste des caisses qui remboursent les consultations données par des thérapeutes encore en formation, parfois sous condition. Il est impératif, là aussi, de demander une confirmation à sa caisse maladie, même si le thérapeute est tenu d’informer ses patients sur le régime de prise en charge. Si la réponse est négative, les patients doivent alors se mettre à la recherche d’un thérapeute agréé LAMal (avec la nécessité de reconstruire un lien de confiance si la thérapie avait déjà débuté) ou payer leurs honoraires directement de leur poche. Une fois encore, les patients les plus vulnérables font les frais du manque de gouvernance du système de santé.

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