Biocarburant

Quand bio ne rime pas avec écolo

Le consommateur est en droit de se demander ce qui se retrouve vraiment dans son réservoir. Eclairage.

Enjeux collectifs Impact environnemental Transparence Maison et loisirs Énergie

Archive · 04 avril 2017

En Europe, le biodiesel est issu à 50% d’huile de palme importée. KYTan/shutterstock.com

Issus notamment de cultures vivrières telles que le maïs, le soja, la canne à sucre ou l’huile de palme, les agrocarburants étaient vus à l’origine comme la panacée. Ils allaient remplacer les carburants fossiles de nos véhicules, responsables de plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’euphorie a cependant été de courte durée, les écobilans révélant qu’à quelques exceptions près, la solution était bien pire que le mal.

Deux produits se démarquent

Le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) relevait en 2007 déjà l’importance de différencier les types de biocarburants. Car même si certains permettent de réduire de plus de 30% les émissions de GES, leur culture et la transformation de leurs matières provoquent des charges lourdes pour l’environnement, notamment une hyperacidité des sols et des eaux polluées par l’abus d’engrais.

Cinq ans plus tard, en 2012, l’EMPA enfonçait le clou lors de la révision de son étude, estimant que certains effets – dont le défrichage par le feu, source de grandes quantités de CO2 et de pollutions atmosphériques – avaient été sous-estimés. Ainsi, les seuls biocarburants à se démarquer sont ceux issus de matières résiduelles (sciure de bois) ou de déchets (huiles usagées).

Fort heureusement, ces conclusions ont mené la Confédération à mettre en place une politique restrictive en matière d’importation de biocarburants, laquelle a même été renforcée suite au dépôt d’une initiative parlementaire en 2014. La Loi sur l’imposition des huiles minérales n’autorise ainsi un allégement fiscal que pour les biocarburants émettant sensiblement moins de gaz à effet de serre et ne nuisant pas davantage à l’environnement que l’essence fossile. En outre, la production des matières premières ne doit pas avoir nécessité le changement d’affectation de surfaces présentant un important stock de carbone ou une grande diversité biologique. De plus, elle doit avoir eu lieu dans des conditions socialement acceptables sur des surfaces acquises légalement. Tout un programme.

Sans défiscalisation, les biocarburants dits «de première génération» (issus de cultures nourricières) ne sont pas rentables. Ils sont donc aujourd’hui complètement absents du marché helvétique. Une information confirmée par Christoph Rotzetter, responsable des biocarburants à l’Office fédéral de l’environnement, statistiques de l’Administration fédérale des douanes à l’appui. Seuls ceux issus de déchets ou de résidus de production sont ainsi importés dans notre pays.

Forcément, la part des biocarburants vendus en Suisse reste faible, malgré une augmentation de près de 150% observée entre 2014 et 2015: 1,1% des ventes d’essence et de diesel en 2015 selon les chiffres de l’Union pétrolière, la faîtière qui défend les intérêts de la branche. Plus précisément, les Suisses retrouvent à la pompe en moyenne 0,8% de bioéthanol dans l’essence et 1,4% de biodiesel dans le gazole, dont la majorité est importée, selon Christoph Rotzetter. Le biogaz s’en sort mieux avec une proportion de 63% dans le gaz naturel carburant (GNC), dont la totalité est produite sur sol helvétique.

Mais la situation pourrait changer ces prochaines années, car l’Union européenne n’a pas eu la même clairvoyance que la Confédération et continue à soutenir les biocarburants de première génération. Comme l’Europe a décidé de couvrir 10% de ses besoins en carburant par des sources d’énergies renouvelables d’ici à 2020, il pourrait tout à fait ne plus y avoir de produits purs à importer à l’avenir. Par conséquent, impossible de faire le tri dans les mélanges de carburants: sachant qu’aujourd’hui 50% de l’huile de palme importée en Europe est transformée en biodiesel, la politique restrictive de la Suisse en la matière s’en verrait contrariée.

Fortes pressions en Europe...

Mais il reste de l’espoir, la Commission européenne ayant annoncé en décembre 2016 vouloir réduire drastiquement la part des biocarburants de première génération et favoriser ceux fabriqués à base de déchets agricoles et forestiers ou de microalgues. La part des biocarburants de première génération devrait ainsi passer de 7% en 2020 à 3,8% en 2030.

Bien que les lobbies du secteur, les producteurs de betteraves français par exemple, exercent de fortes pressions pour que la Commission fasse machine arrière, cette décision vient d’être renforcée le 9 mars dernier par une résolution de la Commission environnement du Parlement européen, laquelle exige de supprimer l’incorporation d’huile de palme dans les agrocarburants d’ici à 2020.

et des débats à Berne

En Suisse aussi, des changements sont à prévoir, puisque la durée de la défiscalisation des biocarburants durables est limitée à 2020. De son côté, le Conseil fédéral a d’ores et déjà annoncé vouloir y renoncer dans le cadre de la révision de la Loi sur le CO2.

Une situation qui a donné lieu à une initiative parlementaire déposée par le conseiller national Thierry Burkart (PLR/AG) le 26 février dernier, laquelle demande une prolongation de la législation jusqu’en 2030. La FRC ne manquera pas de suivre cet objet de près lors des prochains débats au Parlement.

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