5.12.2023, Rebecca Egenberger
Suite à la réintroduction, sous conditions, des farines animales dans l’alimentation des animaux de rente dans l'Union européenne, la Suisse souhaite faire de même. Tour d’horizon du projet mis en consultation par les autorités et position de la FRC.
Rappel historique
L’utilisation des protéines animales transformées (PAT) pour l’alimentation des animaux de rente a été interdite en Suisse et en Europe en 2001 dans le cadre de la lutte contre l’encéphalopathie spongiforme bovine, ou maladie de la vache folle. Il avait été démontré que les bovins pouvaient s’infecter en mangeant des farines animales contaminées par des prions et insuffisamment chauffées. L’explosion des cas avait suscité la crainte des autorités, également en raison de sa transmission possible à l’homme, comme une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Avancées de la science
Depuis cette interdiction, de nouvelles études scientifiques, menées notamment par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont permis de mieux cerner la problématique et les risques. Au vu des résultats obtenus, une réintroduction a été autorisée en Europe, avec un encadrement strict.
Le projet des autorités suisses est basé sur ce qui est actuellement autorisé en Europe. Ainsi, seule une réintroduction sous conditions est envisagée et non un retour au système passé.
Le projet suisse
Les PAT ne pourront pas être utilisées pour nourrir les ruminants, mais uniquement pour l’affouragement des porcs et des volailles, lesquels sont omnivores. Il a en effet été démontré que ce sont les bovins qui présentent le risque de transmission de l’ESB le plus élevé.
Le projet prévoit également une interdiction de «cannibalisme»: c’est-à-dire que seules des protéines transformées de volaille pourront être utilisées pour nourrir des porcs, et inversement. Des mesures strictes sont également prévues, notamment en termes d’hygiène et de séparation des flux, visant à prévenir la contamination croisée aux différents stades.
Par ailleurs, un devoir d’annonce et d’enregistrement voire une demande d’autorisation en fonction de l’activité pratiquée sont mis en place, afin que le système fasse l’objet de contrôles stricts et réguliers. Les services des vétérinaires cantonaux en seront chargés.
La grande inconnue
Certains arguments invoqués pour cette réintroduction sont notamment la facilitation des échanges commerciaux avec l’Europe ainsi que la durabilité. Elle permettrait de réduire la dépendance de la Suisse aux importations de soja pour nourrir les animaux. Si ces arguments peuvent sembler valables, aucun chiffre ne peut les appuyer. En effet, il est difficile de savoir à ce stade dans quelle mesure les producteurs seront satisfaits de cette nouvelle possibilité. Si certains y sont très favorables, d’autres craignent pour leur image et que certains consommateurs, marqués par le scandale de la vache folle, ne veuillent pas de viande nourrie avec des PAT. Difficile donc d’estimer les conséquences financières et environnementales liées à ce projet.
La suite
Le projet va très certainement passer la rampe. Les consommateurs suisses pourront donc dans un avenir proche retrouver dans les étals des côtelettes et du poulet issus de ce mode de production. C’est toutefois déjà le cas pour une partie des porcs et des volailles provenant d’Europe. Sans parler de la viande importée de pays comme le Canada, qui n’interdit pas l’utilisation de protéines animales contenant des produits d’animaux de la même espèce.
Ce qu’en pense la FRC
Dans sa prise de position, la FRC va insister sur la nécessité absolue d’assurer la séparation stricte et imperméable de la chaîne des filières et de mettre en œuvre les contrôles prévus, seuls garants de la sécurité sanitaire. Elle demande également que les importations de PAP provenant de pays qui n’appliquent pas les mêmes règles strictes que celles prévues par le projet soient interdites et que les consommateurs puissent être informés au moyen d’un étiquetage clair apposé sur la viande.