9.7.2024, Yannis Papadaniel
Certains produits ont baissé, de nombreux autres ont augmenté dans des proportions scandaleuses. Explications et positionnement.
Le contexte de départ est compliqué. L’augmentation concerne les médicaments figurant sur la liste des spécialités. C’est-à-dire là où sont répertoriés les produits remboursés par l’assurance obligatoire des soins (AOS). Le prix de remboursement (assumé par les patients avant qu’ils ne dépassent leur franchise et leur quote-part) est appelé prix public. Ce dernier est calculé sur la base d’un prix de fabrique (négocié avec l’Office fédéral de la santé publique, OFSP) et un supplément qui vient couvrir la logistique et les charges de l’organisme qui remet le médicament: hôpital, pharmacie ou médecin (pratique licite en Suisse alémanique, pas en Suisse romande).
Ce supplément – la marge de distribution – était notamment calculé sur la base d’une prime à l’emballage. Son montant était déterminé selon un système qui incitait à remettre un produit plus cher. Avec le motif légitime de mettre fin à cet incitatif négatif, quatre acteurs clés – pharmaciens, médecins, hôpitaux et Curafutura, faîtière des assureurs – sont parvenus à rallier le Département fédéral de l’intérieur (DFI) à leur solution. Laquelle consiste en un système simplifié qui induit une baisse de prix pour les médicaments les plus chers, mais leur diminution est compensée par… une hausse de ceux dont le prix de fabrique est inférieur à 15 fr.
C’est ainsi que certains médicaments viennent de doubler. L’Ibuprofen (400 mg, 20 tablettes, anti-inflammatoire) est passé de 5 fr. 92 à 10 fr. 95 (+85%). La marge des intermédiaires (pharmacies, hôpitaux, médecins) passe de 4 fr. 20 à 9 fr. 10 (+117%). À l’inverse, le Rivaroxaban (anticoagulant) baisse de 14 fr., passant de 281 fr. 21 à 267 fr. 03 (-5%). La marge des intermédiaires diminue elle de 43 fr. 65 à 29 fr. 83 (-32%).
«Dans un courrier commun avec Intergenerika, la FRC a demandé à la ministre de la Santé de corriger les défauts de la solution entrée en vigueur le 1er juillet.» Yannis Papadaniel, responsable Santé
Le DFI et l’OFSP ont qualifié cette mesure de «compromis». La FRC conteste ce qualificatif. «Invitées» très tardivement autour de la table, la FRC et son homologue alémanique Konsummentenschutz ont demandé le report de la réforme dans une période d’inflation. Et proposé une solution qui aurait induit une hausse moins importante sur les médicaments bon marché et davantage d’économies.
La solution retenue misait sur une économie de 60 millions, un chiffre que ses tenants ont présenté comme incontestable. Si l’on prend les données de 2023, Intergenerika, l’association suisse de défense des fabricants de génériques, a démontré que ce nouveau modèle ne générera en fait que 41 millions d’économie, soit 0,1% des coûts bruts de l’AOS.
Une peccadille? Pas vraiment, un tour de passe-passe plutôt. Cette mesure se fait sur le dos des patients: les médicaments les moins onéreux sont généralement ceux que les patients paient de leur poche (en particulier ceux qui ont une franchise élevée) et représentent 55,7% des boîtes vendues en 2023. Par ailleurs, leur renchérissement équivaut à un transfert de charge qu’Intergenerika évalue à 230 millions. Les tenants du «compromis» auront donc tenté d’atteindre un second exploit en plus d’imposer leur solution: celui de faire passer une hausse pour une baisse.