30.10.2018, Aude Haenni
Les scientifiques se refusent à leur octroyer une véritable efficacité sur la qualité de l’air intérieur.
«Dix plantes dépolluantes pour une maison saine», «Neuf plantes d’intérieur qui nettoient l’air», «Ces six espèces sont ultra-efficaces». Et cetera, et cetera. Ce type de slogans orne certains rayons des jardineries comme ceux des librairies. Même l’assureur Helsana s’y est mis, consacrant un chapitre à cette thématique dans sa brochure Respiration.
Depuis les recherches menées pour le compte de la Nasa par le Dr Bill Wolverton dans les années 1980, la notion de plante dépolluante s’est frayé un chemin dans le monde de la décoration d’intérieur et des mains vertes amateurs. Pour autant, l’argument scientifique ne cacherait-il pas un coup marketing bien rodé? «Cette étude avait pour but de vérifier si quelques plantes dépolluent vraiment, tout en prenant en compte le substrat. Et cela a été réalisé en milieu confiné, fait remarquer Marc- Henri Jan, doyen du Département Arts et métiers verts au Centre d’enseignement professionnel de Morges. Désormais, cette liste de végétaux est récupérée à tout-va au profit de commerciaux, sans technique adéquate. »
Le labo n’est pas la maison
S’il reste sceptique sur la question, le spécialiste ajoute néanmoins qu’il est avéré que les plantes ont la capacité d’absorber certaines sources de pollution intérieure. Quant à Pierre-Yves Bovigny, maître d’enseignement à la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, il note que «leur rôle, étudié à plusieurs reprises, n’est pas à remettre en cause. En revanche, le phénomène peut être moins perceptible et plus aléatoire chez soi qu’en laboratoire, du fait du renouvellement de l’air naturel.»
Aussi, en 2010, le programme français Phytair a voulu faire le point sur l’utilisation de ces plantes dans les logements. Résultat: le rendement d’épuration par les feuilles du Chlorophytum comosum, de la Dracaena marginata et du Scindapsus aureus face au benzène, au formaldéhyde et au monoxyde de carbone est insuffisant pour être significatif en conditions réelles. L’Astredhor, institut technique de l’horticulture, a rebondi en travaillant sur un système basé sur un substrat ensemencé en micro-organismes et ventilé. Prometteur effectivement, et néanmoins très complexe.
Seul le PCS Recherche en Culture ornementale, basé à Destelbergen en Belgique, nous l’affirme: les polluants intérieurs peuvent être éradiqués grâce à certaines espèces. Tel est le constat de deux ans de recherches terminées le mois dernier… avec une question très pertinente: combien de végétation par mètre carré est nécessaire pour en ressentir l’efficacité? D’ici à ce que d’autres études nous le confirment, n’hésitez pas, comme Marc-Henri Jan, à «avoir une plante dans chaque pièce par amour pour elles et leur aspect décoratif»!