Apiculture

On tient les coupables de la mort des abeilles

Un consensus scientifique se dégage pour faire de l’acarien varroa le principal responsable de l’effondrement des colonies d’abeilles. Mais il a des complices.
Alimentation Nourriture et boissons Enjeux collectifs Impact environnemental

Archive · 07 mai 2013

Un apiculteur élève 12 colonies en moyenne. Photo: lightpoet/shutterstock.com

Les Suisses ont pu détester cet hiver interminable. Mais à quelques abeilles mauvais temps est bon. En effet, les frimas tardifs les ont convaincues de ne pas développer leurs couvains. Involontairement, elles ont donc empêché leur pire ennemi de proliférer: un parasite du nom de Varroa destructor, arrivé en Europe il y a une trentaine d’années des confins de l’Asie du Sud-Est.

Cette précision sur les origines de cet acarien traduit le fait que nos Maya suisses n’étaient pas prêtes à affronter un ennemi venu d’ailleurs. Ce parasite est désormais considéré comme le principal responsable de l’effondrement épisodique des colonies apicoles. A l’issue de l’hiver 2011-2012, certaines ruches suisses ont connu une mortalité supérieure à 50%. La fin de la saison froide avait alors été clémente, pour les varroas également. Au grand dam des 20 000 apiculteurs, amateurs dans leur immense majorité, gardiens d’environ 170 000 colonies ou ruches. D’ailleurs, depuis son introduction, le varroa n’a pas eu raison que des insectes: nombre d’apiculteurs ont renoncé à leur passion, découragés.

«Ces dernières années, plusieurs publications scientifiques sont allées dans le même sens, commente Jean-Daniel Charrière, ingénieur agronome à l’Agroscope de Liebefeld-Posieux et grand spécialiste des abeilles. Le consensus actuel veut que le varroa soit bien le principal tueur de ces pollinisatrices. Mais il est loin d’être un meurtrier solitaire. Il peut compter sur des complicités.»

C’est tout le mérite du documentaire More Than Honey, de Markus Imhof, de l’avoir montré. Le succès du film a été à la mesure de sa capacité à montrer la complexité du «mystère» de la disparition des abeilles. Un exemple parmi tant d’autres: deux virus participent aussi à l’hécatombe des insectes pollinisateurs. Les chercheurs ont découvert que tous deux sont véhiculés par le… varroa. Ce dernier, à la manière d’une tique, suce le sang de son hôte, autorisant le passage d’agents pathogènes. Même sans virus, le varroa affaiblit l’abeille, qui se trouve dès lors bien fragile face aux agressions de l’environnement.

Pesticides tueurs

Parmi les agresseurs, il en est qui sont particulièrement montrés du doigt. En France, en mars, les apiculteurs ont demandé à leur ministre de l’Agriculture d’interdire un certain type de pesticides, les néocotinoïdes, dont le Gaucho ou le Cruiser. On leur reproche d’atteindre le système nerveux des abeilles. Une étude publiée le même mois dans Nature Communication tend à démontrer leur influence négative sur la capacité d’apprentissage des abeilles. «Or une abeille qui n’apprend pas est incapable de trouver à manger et de signaler aux autres où se trouve la nourriture», dixit l’un des auteurs de la recherche.

Pour autant, malgré cette étude et d’autres sur le sujet, le rôle des pesticides dans la mort massive d’abeilles reste peu clair, comme le déclare Jean-Daniel Charrière. «L’ennui, c’est que ces recherches se concentrent sur une poignée d’insectes observés en laboratoire. Il n’existe pas d’études équivalentes sur des ruches en pleine nature. Or une ruche est un milieu incroyablement plastique, qui a la capacité de réagir face à certains aléas extérieurs. Enfin, jusqu’à un certain point.»

L’ingénieur de l’Agroscope mentionne une observation menée par des apiculteurs allemands, laquelle conclut certes à une culpabilité des pesticides, mais à une culpabilité de second plan. Reste que l’approche des Allemands n’a pas pesé sur l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui vient d’obtenir de Bruxelles qu’un moratoire de deux ans soit prononcé sur l’utilisation de trois néocotinoïdes de l’allemand Bayer et du suisse Syngenta, malgrès les pressions de ce dernier pour influencer l’issue du vote. L’interdiction ne concernera que certaines cultures et certaines périodes de l’année pendant lesquelles les abeilles sont actives.

La Suisse suit le mouvement et restreint l’utilisation de ces mêmes pesticides pour le maïs et le colza. Une décision qui va dans le sens de la pétition que Greenpeace Suisse a remis aux autorités fédérales, avec le soutien d’apiculteurs en février.

Mais, en l’état, les efforts se concentrent sur la lutte contre le varroa. La piste la plus évidente consisterait à laisser faire la nature. Tôt ou tard, les abeilles domestiques européennes trouveront une parade par le jeu de la sélection naturelle. L’approche risque de coûter cher, si tant est que le temps, c’est de l’argent, et une adaptation génétique peut en exiger beaucoup. Un tel laisser-faire aurait des conséquences économiques désastreuses. Si l’on considère le rôle pollinisateur des abeilles pour toutes sortes de cultures, ces insectes pèsent, à l’échelle mondiale, 180 milliards de francs, et, à l’échelle européenne, 17 milliards.

La lutte contre le varroa suit deux stratégies. La première, que l’on pourrait qualifier de «naturelle», cherche à piéger les varroas dans les couvains des mâles. L’autre, «artificielle», consiste à introduire dans la ruche de l’acide formique. «Ce n’est possible qu’en fin de saison, sinon on risque d’influencer le goût du miel, précise Jean-Daniel Charrière. En attendant le jour où les recherches sur un champignon antivarroa ou un perturbateur naturel de sa reproduction aboutiront, chaque apiculteur doit accorder une attention de tous les instants à ses colonies pour limiter les dégâts du varroa.» Un vrai travail de fourmi...

Voir les statistiques sur la population d'abeilles depuis 1876 jusqu'en 2003

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