Interview
Monsieur Prix: "Je ne veux plus d'un consommmateur captif"
Archive · 23 février 2009
"C'est à vous que je dois mon poste!" Son français est presque parfait. Sous ses yeux bleus, le sourire s'élargit. Stefan Meierhans, le nouveau Monsieur Prix qui a succédé à Rudolf Strahm, démarre l'entretien par ce petit détour en forme d'hommage. Certes, il est le premier Surveillant des prix à occuper ce poste à 100%, signe que la fonction bénéficie du plein soutien du Ministère de l'économie. Mais la remarque a une autre visée. Le "vous" en question, c'est bien sûr l'ensemble des associations de défense des consommateurs qui ont déposé, voilà trente ans, l'initiative populaire pour empêcher des abus dans la formation des prix. Accepté par le peuple et les cantons, le texte donnera naissance à la loi actuelle sur la surveillance des prix, à la base du poste qu'occupe ce docteur en droit depuis le 1er octobre dernier.
Ce sens aigu de la communication, ce quadragénaire urbain, branché et polyglotte - il parle cinq langues - l'a sans doute développé au fil de ses précédents emplois. Que ce soit à l'Office fédéral de la justice ou au Département fédéral de justice et police. Mais il l'a sans doute aiguisé lorsqu'il était directeur des affaires sociales auprès de Microsoft Suisse, son dernier emploi avant de rejoindre le département de Doris Leuthard. Septième surveillant des prix et quatrième démocrate-chrétien à ce poste, Stefan Meierhans inaugure un changement de style, de ton, mais aussi de méthode, à la Surveillance des prix.
Quel sorte de consommateur êtes-vous?
J'essaie d'être un consommateur éclairé. J'utilise aussi beaucoup Internet pour comparer les prix. A la maison, je fais régulièrement les achats et je fais partie de ces hommes pour qui le partage des tâches est une réalité.
Et vous y arrivez?
Assez bien, je crois.
Vous avez ouvert un blog en janvier dernier, sur quoi portent les premiers mails?
J'ai reçu une soixantaine de commentaires et près de deux cents courriels liés à des abus de prix. Parmi ceux-ci, beaucoup de plaintes à propos des frais de dédouanement, qui renchérissent les achats faits sur Internet.
Justement, vous voulez faire baisser la facture lors de l'achat en ligne de marchandises à l'étranger avec une procédure de dédouanement plus simple et moins chère. Comment allez-vous convaincre les transitaires privés?
Ils doivent comprendre que cette procédure aura un aspect positif pour eux et pour la relation qu'ils ont avec leurs clients. Cela dit, même si nous allons suivre de près le dossier, le succès de cette démarche n'est pas couru d'avance.
Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées?
Tous les domaines où le consommateur est captif et qui ne dépendent pas a priori de la conjoncture économique. Il s'agit surtout des firmes étatiques ou proches de l'Etat qui disposent d'une position dominante (CFF, La Poste, CNA, etc.). Je serai aussi très vigilant par rapport aux différentes taxes, tarifs et émoluments perçus par la Confédération, les cantons et les communes (eau, déchets, sol, etc.), afin que ces derniers ne cherchent pas à compenser par ce biais le recul des recettes fiscales auquel on s'attend cette année. Je souhaite aussi maintenir la pression sur les prix des médicaments. Les bénéfices records annoncés par les entreprises pharmaceutiques sont un signe clair qu'il y a encore une marge de manœuvre importante pour faire baisser les prix. Epargné par la concurrence des importations parallèles, le secteur des médicaments (n.d.l.r.: ceux remboursés par les caisses maladie) est un pilier doré qui jouit d'une véritable rente de situation.
La Poste vient d'annoncer une hausse de ses tarifs, allez-vous avaliser ces hausses?
La recommandation de la Surveillance des prix ne sera prête qu'en mars. Nous examinons aussi une nouvelle piste de réflexion. On parle en effet beaucoup de mesures de relance de l'économie. Or la caisse fédérale reçoit des centaines de millions de francs de bénéfice de La Poste. On peut se demander si c'est justifiable.
La Poste n'a pourtant pas attendu votre aval avant de communiquer la hausse de ses tarifs.
C'est délicat, en effet, mais il n'existe pas de loi qui lui interdit de communiquer de cette manière. Une entreprise comme La Poste a besoin d'un certain temps pour la mise en œuvre de nouveaux tarifs, et j'ai de la compréhension pour cet aspect des choses. Cela dit, ce fait accompli ne facilite pas mon travail et nous pousse à un examen encore plus attentif des hausses demandées. Je tiens à préciser que les hausses de prix annoncées ne sont pas définitives.
Quelle est votre position face aux hausses prévues par les CFF pour la fin de 2009?
Pour le moment, aucune demande concrète n'est sur notre table. Donc je ne peux m'exprimer qu'en termes généraux. Je suis opposé à l'idée de justifier et d'utiliser ces hausses pour cofinancer l'extension du réseau ferroviaire. Les CFF ne doivent pas faire payer aux usagers d'aujourd'hui les infrastructures de demain. Les pendulaires sont doublement prisonniers du système. Pendant des années on leur a dit de laisser leur voiture à la maison et d'utiliser les transports publics. Ce serait manquer de fair-play que de pénaliser la frange des clients qui ont opté pour ce mode de transport et qui subventionnent déjà des lignes rentables (Lausanne-Genève ou Berne-Zurich, par exemple). Dans cette situation de monopole, les CFF ne peuvent pas suivre la logique du marché. Ça m'énerve!
Les nouveaux tarifs d'électricité seront publiés en avril. On nous annonçait au 1er janvier une hausse de 12 à 15% sur notre facture d'électricité. Or la hausse annoncée ne serait désormais plus que de 6 à 7%. Où en est-on?
Difficile de répondre! Il y a 800 producteurs et distributeurs d'électricité en Suisse, dont les tarifs sont recensés sur notre nouveau site Web*. Malheureusement, il n'est pas à jour, vu que de nombreux prestataires n'ont pas fini leurs calculs. Saisie de plus de 2700 plaintes, la Commission de l'électricité (Elcom) est surchargée, ce qui explique aussi ce retard. Que pouvez-vous faire?
Il faut revenir à une politique plus transparente des tarifs. La Ville de Berne, par exemple, a presque quadruplé sa redevance, qui dépasse 2 millions de francs. Nous publierons cet automne sur Internet, en collaboration avec l'Office fédéral de l'énergie, une liste comparative des redevances communales liées à l'électricité afin de maintenir la pression. Par ailleurs, la majorité des producteurs et distributeurs d'électricité sont dans les mains du secteur public. Pourquoi ne pourrait-on pas voter lors d'une hausse des tarifs d'électricité?
Les médicaments sont épargnés par la concurrence des importations parallèles. Comment allez-vous maintenir la pression sur les prix?
Etre exempté de la concurrence européenne est un privilège qui a une contrepartie. Pour les pharmas, celle-ci consiste à se plier à une régulation stricte des prix. Je demande à l'Office fédéral de la santé publique d'englober des pays moins chers que la Suisse dans la comparaison avec les prix des médicaments pratiqués à l'étranger. Enfin, je demande que l'on contrôle désormais tous les trois ans les prix des médicaments.
Vous avez décidé, et c'est nouveau, d'analyser les tarifs pour l'accueil de la petite enfance. Pourquoi?
En raison de la charge que représente ce poste dans un budget familial et parce que je défends l'égalité des sexes. On investit beaucoup d'argent dans l'éducation et la formation, mais, au niveau de l'emploi, les femmes sont encore pénalisées. Vu le manque de structures, elles n'ont pas toujours la possibilité d'utiliser les compétences acquises. Cela dit, il n'y a pas de soupçon d'abus de prix, à première vue. Certes, les prix sont élevés, mais ils couvrent à peine les frais. En comparant les différents systèmes de tarifications en vigueur en Suisse, nous voulons voir quel est le meilleur système et quels sont les effets pratiques de chacun (certains cantons autorisent une déduction des frais de garde sur leurs impôts, d'autres pas...). Aucune étude de cette envergure n'a encore été réalisée en Suisse.
Que faudrait-il, selon vous, pour que la régulation des prix fonctionne?
La tâche du surveillant des prix est de lutter contre les prix abusifs fixés dans les domaines où la concurrence ne fonctionne pas (prix de monopoles naturels, d'entreprises puissantes sur le marché, prix administrés). Je considère que la Surveillance des prix remplit cette tâche au mieux.
Qu'attendez-vous de la part des associations de consommateurs?
En tant que surveillant des prix, je tiens à être proche des consommateurs et, dans ce sens, je prends très au sérieux les plaintes qui me sont adressées chaque jour. Dès lors, les associations de consommateurs, qui représentent directement les consommateurs, sont pour moi très importantes.
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