Alimentation

Bières artisanales mises à mal par du malt importé

La nouvelle tendance brassicole, c’est de boire local. Une petite chope? Entre glyphosate et acrylamide, on hésite.
Alimentation

Archive · 31 mai 2016

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Il y a deux ans, à l’occasion de la Coupe du monde de football, nous avions sélectionné les bières les plus vendues dans les pays participant à la compétition pour les opposer dans des duels impitoyables. Trois produits étaient sortis du lot. Quant aux autres, les dégustateurs, unanimes, ne les avaient vraiment pas trouvés à leur goût. Cette année, en marge de l’Euro, nous avons affiché notre patriotisme en comparant des bières artisanales romandes. Avec plus de 170 producteurs dans la région (contre 60 en 2011!), le choix peut laisser perplexe. Ces bières d’ici, brassées avec amour et fierté, sont-elles à la hauteur de nos attentes?

Pour en avoir le coeur net, nous avons réuni fins gourmets professionnels et amateurs éclairés et leur avons proposé 15 bières, notées à l’aveugle. «Très fruitée, belle couleur», «amertume équilibrée», «on prend du plaisir à la boire»! La Stirling de la Nébuleuse a su impressionner notre jury. La Calvinus blonde, passé la surprise de son odeur, a aussi été bien appréciée: «sent mauvais, mais bien maîtrisée», «a du corps». Cela se corse ensuite pour la Salamandre et la Meule: «jolie, mais décevante», «presque de l’eau, acide…», voire «trop le goût de levure». Globalement, les résultats finaux sont plutôt décevants. Et cela ne va pas en s’arrangeant avec les tests en laboratoire.

Verre à moitié plein ou à moitié vide?

Il faut savoir qu’une bière, bonne ou non, se compose d’eau, de malt – majoritairement de l’orge transformée – et d’un faible pourcentage de houblon. La production restant marginale sur nos terres, ces deux derniers ingrédients sont en grande majorité importés. La législation suisse ne disposant d’aucune valeur de référence concernant ce breuvage, nous nous sommes basés sur celle de l’eau, pour chercher des traces de glyphosate, et sur ce qui se fait chez nos voisins en matière de boissons torréfiées pour tracer l’acrylamide.

Le glyphosate d’abord. Ce désherbant «probablement cancérogène» se dégradant facilement dans l’environnement en acide aminométhylphosphonique (AMPA), nous l’avons aussi traqué sous cette forme. Résultat: l’une ou l’autre de ces substances a été retrouvée dans presque toutes les bières. Preuve que cette molécule est partout, même du côté de nos artisans brasseurs qui veulent bien faire. En revanche, aucune trace de glufosinate, un composé hautement toxique, présent dans d’autres herbicides. Point plus que rassurant. Tout comme le fait que l’on ait trouvé zéro additif.

Passons à l’acrylamide. Cancérogène probable, il est issu du touraillage, ou torréfaction. La concentration de ce composé chimique est fortement influencée par le brunissage des produits et la température de cuisson, lorsque celle-ci est supérieure à 120 °C. On retrouve cette substance indésirable dans un tiers de nos bières. De quoi rester sur sa soif.

Avec des bières artisanales locales, on se serait attendu à des produits au-dessus de tout soupçon. Nos dégustateurs, déçus, peuvent se raccrocher à la Stirling, qui a réveillé leurs papilles, mais ils doivent se faire une raison: les phytosanitaires sont impossibles à éviter. Certes, les faibles teneurs en glyphosate ne sont pas inquiétantes en soi pour la santé, c’est le cumul potentiel qui inquiète. «Il nous faut des filières d’orge non traitée, et connaître l’origine du malt», estime Barbara Pfenniger, spécialiste alimentation à la FRC. Quant à l’acrylamide, «certains arrivent à faire sans. C’est donc possible.» Et évitez le mariage avec les chips, autre source d’acrylamide, à l’apéro!

 

Le test et les résultats complets de 14 bières sous la loupe dans notre comparateur, ainsi que notre reportage dans une malterie romande.

 

Hors jeu

Brassées industriellement

N’arrivant pas à répondre à la forte demande, les Frères Papinot ont confié le brassage de leurs bières à une usine en Appenzell depuis 2001. Raison pour laquelle elles ont été sorties du tableau, car elles ne correspondent pas exactement à nos critères de sélection, même si elles font partie du paysage romand.

Constat plus décevant encore avec les Valaisannes. Leurs étiquettes affichent un fier «Bière artisanale», mais elles sont propriété du groupe Feldschlösschen. Preuve que l’intitulé fait vendre...

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