Article : Santé mentale

Médicaments: patients à sec

Médicaments

6.5.2025, Jessica Monteiro / La population mondiale atteinte du TDAH représente 5%. Et 60% des cas déclarés dans l’enfance se maintiennent à l’âge adulte. Shutterstock

Depuis fin février, la majorité des traitements prescrits pour le trouble de l’attention sont indisponibles pour une période indéterminée. Cette rupture d'approvisionnement s’étend à d’autres psychotropes. Cela questionne la transparence de la filière et la considération des pathologies neurologiques.



Depuis le déclenchement de la pandémie en 2020, les difficultés d’approvisionnement en médicaments ont explosé. Avec pour corollaire une atteinte importante à la qualité de vie quand celle-ci repose sur un traitement. C’est le cas des personnes souffrant du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), une affection neurologique qui se caractérise, entre autres, par des difficultés de concentration et une forte impulsivité.

Récemment, la situation s’est largement dégradée. Le Concerta est en pénurie depuis des mois, tout comme le Focalin et l’atomoxétine. Les génériques Sandoz et Mepha sont également touchés. La Ritaline, non remboursée par les caisses à l’âge adulte, est distribuée à flux tendu.

La Confédération ne recense pas ces psychotropes dans sa liste officielle de pénurie car ils n’entrent pas dans la catégorie «vitale» définie par l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE). Ne sont compris que les traitements «qui ne sont pas ou guère substituables» et «dont l’absence prolongée aurait de graves conséquences sanitaires».

En revanche, un site spécialisé, drugshortage.ch, créé par le pharmacien Enea Martinelli, propose une liste plus exhaustive. En mars 2023, selon les derniers chiffres disponibles, il recensait plus de 1000 traitements sur ordonnance en rupture de stock, contre 450 un an plus auparavant.

Le retrait comme moyen de pression

Les causes de la rupture sont complexes à déterminer, tant la chaîne de production est opaque. La Suisse et le secteur pharmaceutique dépendent d’acteurs spécialisés dans la production des principes actifs, majoritairement basés en Asie pour raison économique. Le moindre problème dans la chaîne entraîne un goulet d’étranglement et contraint à un arrêt parfois brutal. Il arrive aussi que les entreprises ayant la pleine maîtrise de cette chaîne retirent le médicament du marché pour faire pression sur le prix de vente avec les autorités. Les médicaments à bas prix sont particulièrement concernés.

La petite taille du marché suisse n’a que peu d’intérêt pour les fabricants, d’autant plus lorsque le rendement baisse. En Suisse, les médicaments remboursés par la LAMal font l’objet d’une réévaluation tarifaire à la baisse tous les trois ans. Les fabricants peuvent s’y opposer et négocier les prix avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). «Il arrive que l’examen, pour différentes raisons, soit achevé au cours de l’année suivante», écrit l’OFSP. Les pourparlers tendus peuvent en être la cause. C’est le cas des traitements pour le TDAH, inclus dans la réévaluation 2024. Ensuite,  se rabattre sur d’autres fournisseurs n’est pas chose aisée ni rapide.

10 à 15%, la part de travail supplémentaire induite par la recherche d’alternatives et le conseil aux patients en comparaison à la période prépandémique.

Pour Nader Perroud, psychiatre spécialiste du TDAH aux Hôpitaux universitaires de Genève et professeur à l’Université de Genève, il s’agit pourtant d’un problème de santé publique. «Imaginez un chauffeur de tram privé de traitement depuis quelque temps. En plein moment d’inattention, il percute un piéton par inadvertance. Il sera jugé entièrement responsable et ira au pénal. Pourtant, il n’aura pas choisi d’avoir arrêté sa médication.»

Parmi les raisons de ces pénuries, certains pointent du doigt les surdiagnostics des troubles de la santé mentale. Nader Perroud balaie: «Le TDAH reste sous-diagnostiqué. Cela étant, les connaissances sur ce trouble et le nombre estimé de patients sont largement communiqués depuis une décennie. Je ne veux pas croire qu’on ne pouvait pas anticiper ces pénuries.»

Les molécules comme le méthylphénidate sont difficilement substituables, compliquant la recherche d’alternatives. «Je prescris parfois des génériques, mais leur approvisionnement est également menacé. En plus, il ne s’agit pas exactement du même traitement: les patients ressentent la différence même avec un générique», déplore le psychiatre genevois, qui délivre régulièrement des ordonnances «dans le vide».

En cas de rupture, Nader Perroud recourt parfois aux préparations magistrales, donc aux médicaments fabriqués par les pharmacies à destination d’un patient particulier. «Mais celles qui possèdent leur propre laboratoire deviennent rares», remarque-t-il. L’élaboration maison des médicaments coûte cher aux pharmacies, d’autant que le problème concerne aussi d’autres classes de traitements.

Ils jouent les apprentis sorciers

Le Temesta, anxiolytique figurant dans la liste de l’OFAE, a été en rupture pendant plus d’un an et demi. Certaines pharmacies auraient aimé en fabriquer. «Mais il a été impossible d’importer la substance car les autorités compétentes ne nous ont pas octroyé l’autorisation. Ces deux démarches coûtent plusieurs centaines de francs: économiquement, ce n’est pas intéressant pour la plupart des établissements», raconte un pharmacien sédunois. Il arrive aussi que les pharmacies passent par l’importation parallèle ou exceptionnelle. «Ces démarches sont complexes: elles nécessitent de s’assurer que le produit étranger est équivalent, d’informer le patient et le prescripteur, et de gérer les aspects logistiques et administratifs. Dans certains cas, les coûts ne sont pas remboursés ou uniquement partiellement, ce qui crée des inégalités d’accès», indique Christophe Berger, président de la Société vaudoise de pharmacie.

«J’adopte la stratégie de l’écureuil: je casse mes comprimés en deux !» Une patiente

Face à un avenir incertain, les patients jouent les apprentis sorciers et adoptent des stratégies pour éviter de se trouver à court: traitements sous-dosés, voire interruptions passagères, demandes de vieilles boîtes à l’entourage. «Réaliser que, même dans le pays de la pharma, les médicaments pouvaient disparaître des étals du jour au lendemain a suscité encore plus d’anxiété», confie une patiente. Depuis fin mars 2025, des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), désignés plus communément comme antidépresseurs, manquent à l’appel, comme la Sertraline.

À la question de savoir pourquoi les psychotropes ne figurent pas dans les listes officielles, l’OFSP renvoie à la définition de médicaments vitaux de la Confédération. De son côté, la faîtière des pharmacies pharmaSuisse demande une révision de la réglementation sur ces médicaments «avec une vision plus large que la seule survie immédiate, précise Christophe Berger. Certains traitements, comme ceux pour le TDAH, devraient faire l’objet d’une reconsidération dans le cadre des priorités nationales, selon pharmaSuisse.»

Le politique s'en mêle

Certains traitements, comme ceux pour le TDAH, devraient faire l’objet d’une reconsidération dans le cadre des priorités nationales. C’est du moins l’une des revendications de l’initiative «Oui à la sécurité de l’approvisionnement», déposée en automne 2024 par un comité citoyen composé de médecins, de droguistes et de faîtières, dont pharmaSuisse.

Le texte demande, entre autres, la création d’une base de données nationale pour les professionnels et le renforcement des obligations d’information et de transparence des fabricants et distributeurs.

Le Conseil fédéral proposera un contre-projet à l’été 2025, estimant que l’initiative «n’est pas suffisamment ciblée et ne met pas l’accent au bon endroit en intégrant des domaines qui ne sont pas essentiels».

Cassidy et Alicia témoignent

Cassidy et Alicia sont tout deux directement touchés par les défaut d’approvisionnement de leur médication. Il et elle racontent leur quotidien et l’impact sur leur qualité de vie.

Cassidy | «Je suis connu dans mon entourage proche comme «le type qui est hyperactif et chaotique». J’ai mille pensées différentes à la minute. Lorsque l’une d’elles m’absorbe, elle prend le pas sur mon action en cours: j’interromps tout et je passe à autre chose. Ce qui a le don d’agacer profondément mon entourage, qui doit beaucoup se répéter pour que je m’exécute enfin.»

Cassidy, 21 ans, est étudiant à l’Université de Saint-Gall. Il a été diagnostiqué il y a peu d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Son affection neurologique se caractérise, entre autres, par des difficultés de concentration et une forte impulsivité. Ce verdict donne une explication non seulement sur son comportement habituel, mais surtout sur les difficultés rencontrées à l’université. «Il est rapidement devenu évident que je ne pouvais plus compter uniquement sur mes facilités d’apprentissage et mon talent d’improvisation. J’étais trop dissipé et déconcentré pour assimiler et apprendre mes cours par cœur.»

Un diagnostic officiel lui donne accès à la médication. Son médecin lui prescrit du Concerta, un médicament classé comme stupéfiant car il contient du méthylphénidate, un psychotrope. Un traitement généralement indiqué pour les adultes. Pour Cassidy, le rapport aux études change radicalement. Les «voix dans sa tête» – comprendre les pensées qui coexistent simultanément, de sa liste de courses à une conversation en passant par le dernier film regardé – s’éteignent le temps de la prise. Ces traitements se bornent à réduire les symptômes sur une courte période et améliorer la gestion des relations privées et professionnelles, car on ne guérit pas du TDAH.

La pénurie le contraint à développer des stratégies pour éviter de se trouver à court à un moment important: «J’ai réussi à me procurer une boîte chez mon médecin. Depuis, je fais l’écureuil car j’en aurai absolument besoin en mai et juin en période d’examens. J’ai établi des stratégies pour les cours et je serre les dents», glisse Cassidy.

Alicia | Diagnostiquée d’un trouble anxieux généralisé, la jeune femme a été témoin et victime de cette rupture. Elle se voit prescrire une ordonnance de Temesta en 2022. Une boîte tient normalement quelques mois, car sa prise est sporadique: le fait d’avoir un cachet sur elle en cas d’urgence la rassure.

Le couperet de la rupture tombe rapidement. «À chaque fois que je retournais en pharmacie à la date de retour annoncée, aucune boîte n’était disponible. Mes ordonnances finissaient par périmer. L’incertitude était très difficile à gérer.»

Comme Cassidy, elle opte pour la stratégie de l’écureuil. «Je cassais mes cachets en deux pour les économiser. À mesure que l’emballage se vidait, mes symptômes s’aggravaient.» Alicia se met alors à demander de vieilles boîtes dans son entourage et à tester d’autres anxiolytiques qui ne lui conviennent pas.

Elle finit par dégoter une boîte en pharmacie fin 2024, lorsque de petites quantités du médicament qu’elle prend sont revenues sur le marché. «Réaliser que même dans le pays de la pharma, les médicaments pouvaient disparaître des étals du jour au lendemain a suscité encore plus d’anxiété», confie-t-elle encore.

Que dit la science?

Les recherches scientifiques n’ont pas encore décelé tous les secrets de ce trouble au mécanisme complexe. Elles ont mis en évidence une sécrétion insuffisante de dopamine. Ce neurotransmetteur, parfois appelé la molécule du plaisir, agit sur le circuit de récompense du cerveau.

Les personnes atteintes du trouble de l’attention recherchent ainsi constamment des activités qui leur apportent satisfaction – et donc libératrices de dopamine – pour combler ce déficit. Elles sont également davantage susceptibles de développer des addictions et d’adopter des comportements dangereux.

Le méthylphénidate est un psychostimulant qui augmente les taux de noradrénaline et de dopamine. Ces deux molécules – des neurotransmetteurs – transportent des messages dans le cerveau. La première régule l’humeur, l’attention, la mémoire, la motivation et la prise de décision. La seconde impacte la vigilance et la concentration. Le traitement permet ainsi de les ramener à un taux normal.

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Les dates de la tournée romande #Ramènetafraise

29.05.21Marché de Boudry (NE)
01.06.21Marché de Neuchâtel (NE)
02.06.21Marché de La Chaux-de-Fonds (NE)
04.06.21Marché de Fleurier (NE)
05.06.21Gare de Lausanne (VD)
12.06.21Gare de Genève (GE)
08.06.21Place fédérale (BE)
12.06.21Marché de Delémont (JU)
15.06.21Gare de Delémont (JU)
19.06.21Marché de Fribourg (FR)
27.09.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
28.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
29.08.21Festi’Terroir Genève (GE)
29.08.21Objectif Terre Lausanne (VD)
09.09.21Semaine du goût Sion (VS)
25.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
26.09.21Concours suisse des produits du terroir Courtemelon (JU)
05.10.21Les Jardins du Flon, à Lausanne (VD)
16.10.21Epicerie fine Côté Potager, à Vevey (VD)