27.9.2018, Karine Pfenniger - Coll. Aude Haenni / Photo: Aude Haenni
Comme autrefois, les échoppes ambulantes ont la cote. Rencontre avec ceux qui ont pris la route.
Depuis quelques années, les food trucks se sont imposés, occupant les marchés, les parkings et les festivals. Plus discrets, d’autres proposent désormais des livres, de la retouche d’habits, des cosmétiques et les services d’un barbier… toujours sur roues. En Suisse romande, ils sont une poignée. Ainsi, Geraldine Imhof, près d’Yverdon-les-Bains (VD), prépare des produits de soin maison qu’elle trimballe dans sa Boutik’Atelier. Il y a aussi la librairie itinérante des Mille Lieux d’Isabelle Ecklin ou celle du Rat Conteur dans le canton de Neuchâtel. Dans le même coin de pays, Jean-Pierre Mur balade son barber truck.
L’itinérance est chargée d’images d’antan, d’aucuns se souviennent peut-être d’avoir fait leurs courses chez un certain épicier orange… Mais ce n’est pas la voie de la nostalgie que ces commerçants ressuscitent. La tiny house de 12 m2 de Geraldine Imhof lui permet de concilier création avec lieu de vente sans ployer sous les charges inhérentes à un magasin fixe. Comme Jean-Pierre Mur qui a aussi fui la concurrence établie des coiffeurs. Pascale Girard, à l’origine de la librairie ambulante Le Mokiroule en Ardèche, a vu le moyen d’atteindre les petits villages dépourvus de commodités tout en vivant de son métier. Ancienne du milieu du spectacle, c’était aussi un moyen de ne pas se plier à la sédentarité dans sa nouvelle vie. Laurène Target, propriétaire d’une épicerie à Lausanne, a d’abord tourné quelques années avec un triporteur Piaggio pour débuter à moindres frais.
Jean-Pierre Mur: «Il n’y a que des avantages à travailler en nomade.» Et ses clients sont d’accord.
Casser les codes
Derrière cette légèreté apparente, les défis restent nombreux: batailler pour obtenir des autorisations, supporter un rythme de travail plus que soutenu, tenir un budget somme toute souvent très serré. Car même en échappant aux pas-de-porte et loyers exorbitants, les coûts fixes sont, au final, proportionnellement équivalents à ceux d’un commerce traditionnel. Sauf pour Jean-Pierre Mur. «Mes emplacements me sont gracieusement prêtés. Alors hormis l’achat et la transformation du camion, j’ai les mêmes frais fixes que ceux de mon showroom sur un an.» Un gain qui lui a permis d’investir ailleurs: il songe à la franchise.
Se faire une place au soleil relève de la gageure. Laurène Target se remémore le monde rude des marchés où les nouveaux ne sont pas forcément les bienvenus, devant prouver qu’elle méritait son emplacement, très convoité. Les préjugés associés aux commerces ambulants jouent également en défaveur des nouveaux «pionniers». «On passe souvent pour des charlatans qui vendent des solutions miracles ou des chinoiseries à bas prix», estime Geraldine Imhof.
Alors ces nomades compensent. Boutique ultrapropre, produits personnalisés, service de commande individualisé, accueil «comme à la maison», présence active sur les réseaux sociaux. Et cela porte ses fruits. Les clients font des retours enchantés. «Les gens aiment mon lieu, car il suscite l’étonnement», confie Geraldine Imhof. «Mes emplacements sont stratégiques, mes clients – qui sont passés de 76 à 346 – n’ont pas à tourner pour trouver et payer une place de parc!», note Jean-Pierre Mur. De son côté, le Mokiroule de Pascale Girard fait un carton. «Les enfants adorent pouvoir monter dans un camion. Et depuis que la roulotte va de village en village, certains ont recommencé à lire, d’autres ont cessé d’acheter leurs livres chez les géants du web.» Aller à la rencontre du client, une solution d’avenir pour le commerce de proximité?