1.9.2015, Joy Demeulemeester / Très efficace pour calmer les angoisses, l’hypnose apaise aussi la perception de la douleur. Shutterstock / dean bertoncelj
Troubles du sommeil, phobies, angoisses, douleurs: nombreux sont les maux traités par cette technique, avec succès. Eclairage.
«Docteur, cela fonctionne–t-il aussi si on ne croit pas à l’hypnose?» «Vous savez, moi-même je n’y crois pas! répond parfois, amusé, Patrick Ruedin, médecin interniste à Sierre et spécialiste des reins. C’est le résultat qui compte.» Et, oui, les preuves sont là: on peut soigner grâce à cette technique. De nombreuses études scientifiques valident ses bienfaits.
Guérison accélérée
L’une d’elles a d’ailleurs été menée au Service des grands brûlés du CHUV, l’hôpital universitaire de Lausanne, de 2006 à 2007, sur une quarantaine de patients. Pour démontrer l’efficacité de la pratique, la moitié d’entre eux ont eu droit, en complément des traitements habituels, à des séances d’hypnose. Résultat: la guérison a été accélérée. En effet, le séjour aux soins intensifs est passé en moyenne de 28 à 21 jours, et la durée d’hospitalisation globale a été écourtée d’environ une semaine lorsque le patient a pu bénéficier du soutien de l’hypnose pour gérer la souffrance et le stress inhérent.
«Nous avons pu remarquer que ces patients avaient besoin de moins de médicaments, et qu’ils cicatrisaient plus vite, se souvient Maryse Davadant, infirmière praticienne en hypnose et coauteure de l’étude. Cette technique, en agissant sur la perception de la douleur, permet en effet d’apaiser le patient, et cela améliore la guérison de ses plaies.»
L’étude lausannoise a également révélé un important avantage pécuniaire. «Le recours à l’hypnose permet en moyenne une économie de 19 000 fr. par patient, explique Pierre-Yves Rodondi, médecin responsable du Centre des médecines intégratives complémentaires du CHUV. Le prix des opiacés étant modique, en donner moins n’entraîne pas d’économies notables. En revanche, le fait d’écourter la durée du séjour aux soins intensifs et à l’hôpital réduit la facture.»
Efficace avec les enfants
Mais les sceptiques demeurent. Les résultats vaudois n’ont ainsi pas suffi à convaincre les Zurichois, à la tête de l’autre unité des grands brûlés de Suisse. «Pourtant, si l’hypnose avait été un médicament, pense Pierre-Yves Rodondi, il est certain qu’avec une économie de coûts par patient aussi importante, elle aurait aussi été adoptée en Suisse alémanique.»
Au CHUV, l’hypnose a peu à peu fait son entrée dans divers services, dont la pédiatrie, car les enfants, dès qu’ils savent parler, y réagissent bien. Un des objectifs est aussi d’initier rapidemment le patient à l’autohypnose afin qu’il puisse gérer lui-même les crises de douleur et/ou d’angoisse une fois rentré chez lui.
«Grâce à cette approche, le patient retrouve un rôle actif, déjà à l’hôpital, et c’est valorisant, explique Maryse Davadant. Beaucoup disent se sentir globalement mieux, et que c’est un bénéfice pour toute leur vie.»
Comment ça marche…
Oublions le grand spectacle, où la personne tombe sous l’emprise du grand mage hypnotiseur. L’hypnose moderne n’a rien à voir avec cela. Le patient garde le contrôle et va jouer un rôle essentiel. Le but est de mettre l’esprit dans un état de concentration mentale particulière, en visualisant mentalement, par exemple, un lieu ou une situation agréable. Par cette pensée, l’esprit devient indifférent à tout autre considération ou influence.
Cet état modifié, mais toujours de veille et non de somnolence, est engendré par le thérapeute, par sa voix, par exemple. Il guide le patient, l’amène à se concentrer sur ses sens, son corps, et cela entraîne une dissociation de la conscience permettant d’accéder à une communication privilégiée avec le corps et le psychisme, l’inconscient. La personne elle-même peut aussi induire cet état, raison pour laquelle on parle d’autohypnose.
Le Dr Patrick Ruedin en fait une description assez humoristique, comparant l’hypnose à une sorte de couteau suisse psychologique: pratique, rapide pour ouvrir, transformer et cicatriser. De plus, l’outil est facile à transporter et utilisable à tout moment.
Les douleurs et les peurs
On manque encore d’études à long terme, mais on sait que l’hypnose peut donner de bons résultats en cas d’anxiété, de côlon spastique, de troubles du sommeil, pour soigner les migraines et toutes sortes d’autres douleurs. On l’utilise aussi en soins palliatifs.
Certains médecins dentistes, tel Wigger Tasman, sont également formés à l’hypnose. «Lors de l’anamnèse, le patient me parle parfois d’angoisses liées à de mauvaises expériences passées ou à des craintes de ce qui va arriver. L’hypnose permet alors de ramener la personne dans l’instant présent. Parfois un tout petit geste suffit, comme serrer la main un peu plus longtemps que d’habitude.»
La peur du dentiste peut donc s’apaiser, tout comme celle des piqûres et tout autre phobie. Ou agir sur le grincement des dents et pour anesthésier, chez le dentiste comme lors d’une petite chirurgie locale, telle une biopsie.
A priori, seuls 10% des personnes ne répondent pas à l’hypnose, même si elles en ont envie. Pour les autres, en principe, cela fonctionne, il suffit d’être un peu curieux et de se laisser guider. Chiche!