Contrat
Les dessous des prolongations de garantie
05 mars 2024
Manon Renaud
Juriste

Malika Pessard
Juriste
Prolonger la garantie dans l’espoir de se prémunir contre le vieillissement prématuré d’un bien nouvellement acheté, une belle idée. Mais en vaut-elle la peine? Cette protection supplémentaire accordée par le vendeur contre le paiement d’une prime en plus du prix d’achat a le vent en poupe. Surtout pour les appareils électroniques ou l’électroménager. À raison: les deux ans de protection légale sont bien courts sur ce type d’objets. Malgré tout, elle est toute relative.
Elsa en a fait les frais. La télécommande d’un fauteuil électrique d’une valeur de 1000 francs acheté trois ans auparavant auprès de Conforama a cessé de fonctionner. Comme elle est couverte pour trois ans supplémentaires (prime de 199 francs), elle annonce le problème au vendeur et lui en demande une de remplacement. Or la télécommande serait impossible à changer, selon le service client. Ce dernier lui propose de récupérer le fauteuil – par ailleurs en bon état – contre un bon d’achat de 630 francs, tenant compte de la dépréciation du siège. Cette situation n’est pas isolée et les réclamations abondent auprès de notre association.
Malheureusement, cette assurance aux dénominations variées (prolongation ou extension de garantie, casco) ne bénéficie pas de la protection prévue dans la Loi sur le contrat d’assurance. Si les prospectus donnent l’apparence d’une couverture complète en cas de dommage, dans les faits, elle est généralement restrictive. Les détails se cachent dans des conditions générales souvent illisibles. Et pourtant, elles lient l’acheteur, considéré les avoir acceptées, même s’il ne les a pas lues.
Concrètement, la remise d’un bon d’achat est souvent préférée à la réparation de l’appareil assuré. Le montant du bon est calculé en fonction d’une courbe de dépréciation de la valeur de l’appareil au jour de la déclaration du sinistre. Après trois ans, le fauteuil d’Elsa n’est couvert qu’à hauteur de 60% du prix à neuf, et cela même si seule la télécommande est défectueuse! L’acheteuse est contrainte de payer près de 400 francs pour l’achat d’un nouveau fauteuil.
D’autres vendeurs font du «forcing», profitant d’une information lacunaire pour amalgamer prix d’achat et prolongation de garantie au moment de la vente. Si certains ont conclu cette prolongation sans en avoir conscience, d’autres la voulaient mais ne savaient pas qu’elle se renouvelait automatiquement après deux ans. Une pratique connue et critiquée par la FRC, qui a d’ailleurs interpellé Fust à ce sujet. Les réponses sont à ce jour imprécises et insatisfaisantes.
Bons réflexes
- Évitez de céder à la pression dans l’euphorie de l’achat. Une prolongation peut en général être conclue après coup (durant les deux ans de garantie usuelle, à vérifier auprès du vendeur), pensez-y.
- Avant d’accepter une prolongation, renseignez-vous sur l’étendue de la couverture, sa durée, à qui s’adresser en cas de problème et sur son prix. Les informations figurent dans les conditions générales.
- Vérifiez si votre RC ménage couvre déjà partiellement ou totalement certains cas d’assurance.
- Pensez aux réparateurs indépendants ou aux Repair Cafés, qui offrent un service de qualité à des prix abordables: un coût certainement moins élevé, pour un service en direct, sans démarches justificatives.
Eclairage
Conclusion du contrat | En principe, ces prolongations et extensions de garantie sont proposées au moment de l’achat et la conclusion du contrat se fait la plupart du temps à ce moment. Toutefois, concernant les prolongations de garantie (cf. point 3 ci-dessous), certaines enseignes permettent de conclure le contrat après l’achat, durant les 2 ans la garantie légale ou contractuelle. Cette possibilité n’est en revanche pas proposée pour les cas d’extension (classiques) de garantie.
Comment suis-je couvert·e? | A l’achat d’un meuble, d’un appareil électroménager ou encore d’un téléphone portable, il est souvent proposé au consommateur de protéger sa nouvelle acquisition via une prolongation ou une extension de garantie, moyennant le paiement d’un montant supplémentaire. Mais que couvrent vraiment ces « assurances » ?
Rappelons tout d’abord qu’en matière de vente, la garantie du vendeur est généralement de deux ans (art. 210 Code des Obligations, CO). Cette garantie couvre les défauts de l’objet, c’est-à-dire lorsque le produit ne remplit pas les qualités auxquelles on peut raisonnablement s’attendre. En cas de défaut, l’acheteur a le droit de demander une diminution du prix, de résilier le contrat ou, dans certaines situations, demander le remplacement de l’objet. Cette règlementation prévue aux articles 197 et suivants du CO est toutefois de nature dispositive et il est possible d’y déroger dans le contrat ou dans des conditions générales (CG).
Les protections supplémentaires, dont il est question dans cet article, relèvent d’un accord individuel conclu en général au moment de l’achat du produit. Il convient de se référer aux conditions générales du vendeur pour en connaître les modalités.
Prolongation / extension? | La dénomination de ses protections supplémentaires varie d’une société à une autre. On retrouve souvent les termes de « prolongation » et « extension » de garantie. Certains vendeurs utilisent également les termes « Casco » ou encore « Protection Premium ». De manière général, il convient de lire les CG afin de déterminer quelles prestations se cachent derrière ces appellations.
Le terme « prolongation » de garantie pose en général peu de problème. Une prolongation de garantie permet d’étendre la durée de la garantie légale ou contractuelle. L’objet est donc couvert contre les éventuels défauts qui pourraient survenir pendant une période plus longue. Cette prolongation commence à l’expiration de la garantie légale ou contractuelle. Par exemple, si la garantie du vendeur couvre l’objet pendant deux ans et qu’une prolongation de garantie d’un an a été conclue, l’objet sera couvert pour les défauts pendant 3 ans.
Concernant le terme « extension » de garantie, il est parfois utilisé dans le même sens qu’une prolongation de garantie. Mais, dans d’autres situations, ce terme prévoit une protection plus étendue. Pendant sa durée, une extension peut protéger l’objet contre des incidents qui ne sont pas des « défauts », au sens juridique, et qui ne sont donc pas couverts dans le cadre de la garantie légale ou contractuelle. Cela peut par exemple concerner la détérioration d’un objet due à un animal domestique. La protection accordée par une extension de garantie commence en général au moment de sa conclusion, le moment de l’achat en pratique. Il existe des extensions de garantie d’une durée déterminée et des extensions de durée indéterminée. Dans ce deuxième cas, le paiement est périodique et une résiliation est nécessaire pour y mettre fin. Concernant les autres dénominations qui peuvent être utilisées tels que Casco ou Protection Premium, elles désignent en général la protection apportée par une extension de garantie.
Bien évidemment la liste des événements assurés (et aussi des exclusions !) est indiquée dans les CG des sociétés, tout comme les délais et autres modalités qui doivent être respectés par le consommateur pour, in fine, pouvoir se faire indemniser. Il est donc important d’en prendre connaissance et de bien se renseigner afin d’éviter les mauvaises surprises.
Couverture à double? Certaines assurances RC ménage couvrent déjà en partie les prestations qui peuvent être prévues dans le cadre d’une extension de garantie. Il existe alors un risque d’être assuré à double. À nouveau, il est recommandé de se renseigner pour éviter ces situations.
Aussi, certains biens peuvent être couverts par une garantie du fabricant. Cette garantie, qui n’est toutefois pas obligatoire, est généralement plus étendue que la garantie du vendeur, tant en termes de prestations qu’en terme de durée. Dans certains secteurs, il est courant de voir des garantie fabricants de 5 ans. Si une telle garantie existe pour le produit en question, elle l’est en général sans coût supplémentaire. Il est donc important de vérifier si le fabricant offre cette prestation et son étendue (attention aux exclusions), car une prolongation/ extension de garantie peut alors être superflue.
Quel est le problème? | Selon les situations rapportées au service juridique, le problème se situe souvent au moment de la conclusion de telles prolongations/extensions de garantie. Effectivement, dans l’euphorie de la nouvelle acquisition ou par une communication peu claire du personnel de vente, beaucoup de consommateurs ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de conclure une prolongation/extension de garantie qui ne leur ait en réalité pas utile. Il est également arrivé que des personnes se retrouvent liées à un contrat de durée indéterminée et doivent s’acquitter de primes périodiques, sans s’en rendre compte. Fust, par exemple.
Les prospectus de certaines enseignes font parfois miroiter de belles couvertures à des prix défiant toute concurrence. Mais la réalité peut être plus complexe voire décevante : prolongation ou extension ? Qu’est-ce qui est couvert ? Pendant combien de temps ? Pour quel prix ? Certains produits prévoient en même temps une prolongation et une extension de garantie. Le consommateur peut ne pas s’en rendre compte et ne pas demander son dû si un cas de couverture se présente.
Nous remarquons que les CG sont généralement complexes et difficiles à comprendre. Par exemple, Conforama prévoit une prolongation de garantie de 3 ans. L’objet est donc couvert pour une durée totale de 5 ans (garantie légale de 2 ans + prolongation de 3 ans). Toutefois, les CG de cette société prévoient que pendant les trois ans de prolongation, si la réparation du bien est jugée non rentable (selon détermination de la société), la personne reçoit un bon d’achat d’une valeur égale à celle de l’objet assuré après amortissement du prix d’achat initial. Et cet amortissement prend l’ascenseur d’une année à l’autre. Le consommateur peut donc penser que l’objet est entièrement garanti pendant 5 ans et finalement se retrouver la 4ème année avec un bon représentant 40% de la valeur de l’objet, alors vendu bien plus cher. Plutôt fâcheux !
Le problème peut aussi se présenter au moment de la survenance d’un cas assuré : la société refuse, pour des prétextes fallacieux, la prise en charge du sinistre. Si vous avez conclu une telle prolongation ou extension de garantie, vous avez droit de bénéficier des prestations prévues. Dès lors si l’entreprise refuse de vous les accorder alors que celles-ci sont dues, il convient de mettre la société en demeure selon les articles 102 et suivants CO.
En ces temps d’augmentation des prix et de baisse du pouvoir d’achat, il est donc nécessaire de bien se renseigner afin de ne pas se retrouver « assuré » de manière non nécessaire et de devoir payer pour une prestation inutile.
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