E-commerce
Les coulisses pas nettes d’Amazon
Archive · 04 juin 2013

Conditions de travail, montages fiscaux: aux Etats-Unis et en Europe, le vendeur défraie la chronique. Un journaliste français a joué les infiltrés.
Que se passe-t-il une fois la commande passée sur Amazon? Dans En Amazonie, le journaliste Jean-Baptiste Malet cherche à mettre un «visage sur cette abstraction», cet acte virtuel qui déclenche une réaction en chaîne bien réelle: il y a les pickeurs, qui parcourent 20 kilomètres par jour pour cueillir les produits dans de gigantesques halles – l’équivalent de cinq terrains de football. Il y a les packeurs, qui les emballent, inlassablement. Des ouvriers spécialisés soumis à des objectifs de rendement impossibles, fouillés aléatoirement, et tenus au silence. Pour leur parler, l’enquêteur s’est fait embaucher à Montélimar comme intérimaire avant les Fêtes 2012. Incognito.
Face à des compagnies verrouillées comme Amazon, l’infiltration est-elle la seule méthode?
Chaque employé signe une clause de confidentialité, il n’a pas le droit de parler de son travail à sa propre famille, alors même qu’il n’a accès à aucun secret industriel! C’est contraire au Code du travail. L’infiltration était la seule façon de les aborder. Mais je me suis vite rendu compte des limites de mon approche: dans les centres logistiques, les employés sont isolés, ils ne peuvent discuter que quelques minutes autour d’un café. Pour compenser, Amazon crée une sorte de convivialité artificielle, sous le slogan «have fun». Tous ses employés, même en bas de la pyramide, ne sont pas assimilés à des ouvriers mais à des «associés». C’est un système complètement hypocrite.
Votre livre a-t-il fait réagir Amazon?
Je leur ai envoyé une liste de questions. Par exemple, la position de la pointeuse, qui se trouve au centre de l’entrepôt. Le traverser et franchir les tourniquets de sécurité pour se rendre à la cafétéria prend de longues minutes: un temps qui est retranché sur les vingt minutes de pause. Amazon m’a répondu qu’il ne souhaitait pas répondre.
Vous êtes très critique avec Amazon. Or la société crée des emplois…
Elle en détruit beaucoup aussi: Amazon vend 8% des livres en France, et gagne chaque année un point de part de marché. C’est énorme. Or il n’y a aucun libraire dans ses entrepôts, elle a besoin de dix-huit fois moins d’employés qu’une librairie indépendante. Ce sont des emplois qualifiés qui disparaissent. De plus, la société annonce des effectifs gonflés par les intérimaires, des emplois très précaires. Et alors qu’Amazon fait la majeure partie de ses affaires en France, son tiroir-caisse est au Luxembourg (elle y a son siège européen, ndlr). Le fisc français lui réclame 252 millions d’euros, mais l’Etat continue à subventionner chaque nouvelle implantation!
En termes de prix, Amazon est très compétitive, notamment pour les Suisses. Cela compte dans le porte-monnaie…
C’est une question de responsabilité personnelle, mais aussi politique. On peut y voir un bénéfice à court terme, mais sur la durée les conséquences seront dramatiques sur le commerce de proximité et les prix. Et ça ne concerne pas qu’Amazon, mais le e-commerce en général: plus ça se massifie, plus ça s’industrialise, plus on a affaire à des acteurs gigantesques, et plus grand est le risque que des multinationales toutes-puissantes imposent leurs règles.
En Amazonie: infiltré dans le «meilleur des mondes», Jean-Baptiste Malet, Ed. Fayard, 2013, 155 p.
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