Cybersanté
Le «e-dossier» divise
Archive · 03 septembre 2013

Quelle boîte de Pandore le Conseil fédéral a-t-il ouverte en présentant, en mai dernier, son projet de loi sur le dossier électronique du patient? Pierre angulaire de la stratégie en matière de cybersanté et du programme Santé 2020, ce sujet risque de creuser davantage le fossé entre les consommateurs de soins, suivant qu’ils habitent des cantons déjà bien dotés en infrastructures médicales ou non. Et sa mise en œuvre devrait se révéler compliquée, aussi bien pour les patients que pour les professionnels de la santé.
Que promet le nouveau système?
Pour les patients comme pour les prestataires de soins, la possibilité de disposer en tout temps de l’ensemble des données médicales les plus importantes, comme les pathologies, les diagnostics établis par les médecins traitants, les examens subis et les traitements administrés.
Comment les données médicales seront-elles stockées?
Contrairement à la piste préconisée en France, les patients ne disposeraient pas de leurs données de manière individualisée – sur leur carte d’assuré dotée d’une puce électronique par exemple –, mais les informations seraient stockées de manière décentralisée; chaque prestataire de soins conservant l’obligation légale actuelle de gérer un dossier patient. Un médecin devrait ainsi se connecter à une plateforme web, et cette dernière «appelle» les données hébergées chez les autres prestataires de soins (médecins spécialistes, hôpitaux, pharmaciens).
A qui appartiennent les données?
En théorie, et dans les discours officiels, le patient reste propriétaire de l’ensemble de ses données et serait libre d’attribuer ou de révoquer les droits d’accès à ces informations, même si les équipes médicales peuvent outrepasser cette limite en cas d’urgence. Mais les médecins conserveraient de nombreux documents, dont leurs notes, qui continueraient à échapper à l’attention du patient.
Le patient gérera-t-il les droits d’accès à son dossier?
Pour la FRC, c’est là que réside le premier écueil. «Si on veut que le dossier électronique soit la propriété du patient et que son contrôle relève de sa compétence, il faut que le patient soit capable de jouer ce rôle», relève Gabriel Nusbaumer. Le président de la Commission Santé de la FRC note que le patient doit non seulement disposer de son consentement éclairé, mais également être censé comprendre parfaitement quelles données il doit partager sans réserve avec les professionnels et comment gérer les droits d’accès qui y sont associés. Une difficulté que même la «génération Facebook» n’arrive pas toujours à saisir. Le modèle fédéral place ainsi le médecin traitant dans un rôle de soutien informatique pour la gestion des droits d’accès aux informations sensibles. «Même de confiance, il s’agit d’un intermédiaire que nous ne désirons pas. La FRC promeut des consommateurs libres de leurs choix, non des patients placés sous la dépendance du savoir d’autrui», enchaîne Gabriel Nusbaumer.
Tous les cantons sont-ils concernés?
Oui, mais chacun d’eux développera son propre système, à des stades d’aboutissement divers. Le projet de loi ne fixe rien d’autre que les principes de base et les conditions-cadres, en mettant l’accent sur la nécessaire confidentialité des informations partagées. Il sacrifie cependant l’idée d’un projet national sur l’autel du fédéralisme, en soulignant que les avancées du dossier médical sont du ressort des seuls cantons. Or ceux-ci ne sont, à l’heure actuelle, pas tous aussi avancés en la matière. En outre, la loi prévoit que les professionnels de la santé n’auraient pas tous l’obligation d’alimenter le dossier électronique, sauf les hôpitaux pratiquant à la charge de l’assurance-maladie obligatoire. Tous les Suisses ne devraient ainsi pas disposer de leur dossier électronique à fin 2015, lorsque la loi fédérale entrerait en vigueur.
Les médecins sont-ils favorables au nouveau système?
Globalement, oui, même si la FMH, l’association professionnelle du corps médical, tempère: «Les nouvelles possibilités technologiques suscitent une envie de données, selon le principe erroné que davantage de données signifie davantage de connaissances.» Jacqueline Wettstein, responsable du service de communication, note que la réussite de la mise en œuvre du dossier électronique dépendra de la forme que ce dernier prendra, en considérant le patient au-delà des institutions de santé et des frontières cantonales. Or rien ne le garantit aujourd’hui.
Qui paiera la facture?
Au final, les patients, de par leur double statut de contribuables et de consommateurs de soins. Pour bénéficier des aides financières fédérales, chaque canton devra contribuer pour moitié à la mise en place des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement du dossier électronique. Les praticiens et les cliniques privées ne seront pas couverts par ces aides. Le projet soumis au Parlement prévoit que les tarifs des professionnels de la santé soient revus à la hausse. A coup sûr, cette adaptation tarifaire se répercutera sur les coûts de la santé… et sera donc à la charge des assurés.
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