23.1.2024, Sandra Imsand
Les augmentations massives dans le secteur de l’alimentation des chiens, chats, lapins et rongeurs met à mal le portefeuille de leur propriétaire. La litière n’est pas épargnée non plus. Le hic: changer de fournisseur ne va pas de soi.
Celles et ceux qui ont des animaux de compagnie ont tiré la langue en 2023, et ce n’est pas fini. La sonnette d’alarme avait été tirée en novembre 2022. Le patron des supermarchés français Leclerc annonçait alors que les augmentations des produits animaliers risquaient d’être deux fois plus importantes que pour les autres denrées. Les producteurs de nourriture animale demandaient à la grande distribution une hausse de 41% pour leurs articles. Rien de si surprenant, sachets et boîtes nécessitant deux ingrédients dont les prix ont flambé, à savoir les céréales et la viande. L’énergie qu’exige leur fabrication renforce une pression déjà forte sur les prix. Par ailleurs, le marché est entre les mains d’une poignée de fabricants, dont les géants Mars ou Nestlé. Leur poids lors des négociations est donc important. Les clients avaient tout intérêt à faire des stocks pour laisser passer la crise.
Mal au portemonnaie
Malgré le contexte, certaines augmentations sont complètement délirantes. Le pire exemple de notre enquête reste l’augmentation de plus de 80% pour la nourriture humide Sheba en l’espace de douze mois sur le site Zooplus. Un autre témoignage concerne les Croquettes Select Gold Pure Poulet de chez Maxizoo. Le paquet de 3 kilos était de 22 fr. 45 en janvier 2022, soit 7 fr. 48 le kilo. En septembre, le prix était passé à 29 fr. 95 et, double peine, le fabricant a revu la taille des emballages à la baisse (2,5 kg). Le prix au kilo passe donc à 11 fr. 98, soit 60% d’augmentation, avec un bel exemple de shrinkflation à la clé! Le portemonnaie en souffre particulièrement: une personne nous signalait ainsi que le budget alimentation de ses deux chats était passé, fin 2023, à 50 francs par semaine, soit plus que celui qu’elle ne consacre à elle-même!
Si les clients peinent à joindre les deux bouts, les producteurs ont le sourire. Le Covid a contribué à l’augmentation du nombre d’animaux de compagnie et la branche du petfood est en forte croissance. Les marques Purina ou Friskies de Nestlé représentaient, en 2022, 18,1 milliards de francs, soit 19% du chiffre d’affaires global de la multinationale, contre 12% en 2010, rapporte Le Temps.
Du côté des revendeurs et fabricants, peu de transparence sur le sujet. Zooplus, société leader de la vente en ligne pour qui la FRC a reçu de nombreuses plaintes, répond de manière très insatisfaisante: «Nous faisons le maximum pour vous proposer les meilleurs prix possibles. Toutefois, ils sont susceptibles de changer pour des raisons variables, telles que l’état des stocks, des difficultés d’approvisionnement ou les changements économiques mondiaux. Lorsque ces cas se produisent, il est nécessaire d’ajuster nos prix.» Migros, chez qui la gamme Sheba a fortement augmenté aussi, s’abrite derrière la prise de position du fournisseur Mars Petcare en guise de justification: «La pression inflationniste qui se fait sentir dans le monde entier est bien documentée et, malheureusement, nous ne sommes pas à l’abri non plus. Alors que nous continuons à enregistrer des augmentations considérables des coûts des matières premières, nous avons dû prendre la difficile décision de procéder à quelques ajustements. Toutefois, les prix de vente au consommateur final sont fixés par les distributeurs.» On aurait donc aimé que Migros se positionne plus clairement!
Clients fatalistes
Comment alléger la facture? Les options sont maigres, certains animaux supportant mal qu’on change leurs habitudes. S’y ajoute la crainte d’un nouveau régime de moindre qualité aux effets délétères sur la santé à long terme. «Ce que j’achète est cher et met mon budget à mal. Mais je préfère un bon produit maintenant que de devoir payer des frais vétérinaires astronomiques quand mon chat sera âgé parce que son aliment lui aura fragilisé les reins», souligne une membre FRC. Selon Patrik Schwendimann, analyste financier auprès de la Banque cantonale de Zurich cité dans les colonnes du Temps, l’élasticité-prix est plus faible dans le segment du petfood. En d’autres termes, l’inflation et les hausses de tarifs ne semblent guère affecter la demande. «Les animaux domestiques occupent une grande place dans une famille, aussi on économise rarement dans ce domaine.» Pourtant, prix élevé n’est pas forcément synonyme de qualité (lire encadré).
Les gens font le dos rond: «Aujourd’hui, financièrement, ça va. Demain, en cas de chômage ou coup dur, ce sera très compliqué.» Ou: «Le coût de la vie est vraiment cher partout, je perds le sommeil en m’inquiétant de mes factures. Après, aussi longtemps que je pourrais, je ferais des sacrifices ailleurs que pour mon chat. Mon rôle est d’en prendre soin jusqu’au bout.»