Tests de grossesse
Ils font gonfler les poubelles
Archive · 03 février 2021


Anne Onidi
Journaliste scientifique
Enceinte? Pour le savoir, rien de plus simple: une fine bandelette mise en contact avec les urines réagit à la présence de l’hormone de la grossesse ß-hCG et livre son verdict en quelques minutes. Les tests de grossesse ressemblent généralement à un thermomètre, soit une coque en plastique enveloppant la zone réactive. Cette forme, hygiénique, simplifie sensiblement la procédure mais génère beaucoup de déchets. Combien et pour quel bénéfice? C’est l’objet de ce tour d’horizon.
Sur seize dispositifs médicaux achetés, deux seulement génèrent aussi peu de déchets que possible. Il s’agit de simples bandelettes emballées individuellement et conditionnées dans de petites boîtes sans cellophane. Une simplicité visible sur l’étiquette, puisque ces variantes valent jusqu’à 15 fois moins cher.
Les quatorze autres modèles sont constitués d’une coque. Laquelle ne permet pas le remplacement de la bandelette. Ce sont donc entre 5 et 20 grammes de plastique qui terminent leur brève existence à la poubelle. Dernier du classement, le Clearblue digital cumule 25 grammes de plastique et d’électronique (lire encadré).
Interrogée sur ses velléités écologiques, Clearblue, leader du secteur et propriété du géant Procter & Gamble, dit «être en train de réduire de 10% le taux de plastique de ses tests». Et annonce «investir dans la recherche et le développement de matériaux et technologies plus en accord avec l’environnement». Mais elle n’envisage pas de renoncer au plastique. «Dommage que l’Union européenne n’ait pas ajouté les tests de grossesse aux plastiques à usage unique qui seront interdits dès juillet 2021; cela aurait poussé les marques à revenir à plus de simplicité, commente Laurianne Altwegg, responsable Environnement à la FRC. L’emballage autour de la bandelette n’est finalement que du marketing servant à véhiculer l’image d’un produit complexe, alors que détecter l’hormone de la grossesse est une simple réaction chimique.»
Tous les tests de ce panel ont la même exactitude de mesure: ils affichent un taux supérieur à 99% lorsque l’analyse est effectuée le jour présumé de l’apparition des règles. Pour bon nombre d’entre eux, la précision chute si l’on se montre trop impatiente. Ainsi, la certitude de mesure du Clearblue pratique et rapide est de 54% si le test est effectué quatre jours avant le début prévu des règles. Les modèles ayant une limite de détection basse sont les plus à même de fournir un résultat précoce.
Test précoce déconseillé
Pour Valérie Guyot, maîtresse de formation professionnelle à l’Ecole d’assistantes et d’assistants médicaux de Conches (GE), le test précoce n’est pas toujours souhaitable: «Nous conseillons d’attendre au moins la date présumée des règles. Dans les deux à trois premières semaines après la fécondation, le risque de fausse couche est très élevé (50% environ). Mieux vaut peut-être ne pas savoir qu’on a été enceinte que se confronter à une déception.»
Certains tests proposent de quantifier le nombre de semaines de grossesse. Cet aspect est inutile: seule l’analyse sanguine est à même de doser précisément la ß-hCG.
Jetable, recyclable
Le test digital de Clearblue n’est pas le seul appareil à usage unique. Sur le marché, on trouve des éthylotests et des cigarettes électroniques jetables. S’ajoutent d’autres gadgets à piles dotés d’une espérance de vie dérisoire. Soumis à l’Ordonnance sur la restitution, la reprise et l’élimination des appareils électriques et électroniques, ces dispositifs doivent bel et bien être recyclés et non jetés aux ordures. Le mode d’emploi du produit précise qu’il faut extraire les deux piles puis rapporter le reste dans le lieu d’achat ou dans une déchetterie. «Est-il réaliste de demander à retourner un produit souillé dans le point de vente où il a été acheté? s’interroge Laurianne Altwegg. Etre à l’origine de déchets électroniques qui finiront vraisemblablement à la poubelle alors que de simples bandelettes suffisent est irresponsable.» Investir autant de ressources dans un dispositif à usage unique «qui limite les risques de mauvaise interprétation des résultats», selon les explications de la marque, la démarche est si contradictoire qu’elle frise l’absurde!
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