3.5.2022, Marine Stücklin
Suivre une bonne hygiène de vie en utilisant applications et montres connectées n’est, malgré les apparences, pas si sain. La FRC en a fait l’expérience. Explications.
Certaines assurances-maladie récompensent ceux de leurs assurés qui adoptent un mode de vie sain et misent sur la prévention. Elles ont développé des applications santé enregistrant les activités quotidiennes. Lesquelles sont ensuite converties en points, puis en avantages divers: versements en espèces, bons auprès de partenaires commerciaux et/ou dons à des oeuvres caritatives. La manière de collecter les données, le choix des activités récompensées, la façon de les rétribuer ou encore la vision santé poursuivie changent d’une compagnie à l’autre. L’effort est motivant, mais évidemment se pose la question de la protection des données, celles en lien avec la santé étant sensibles.
Ampleur de la collecte
Pour cette enquête, trois assurés de deux compagnies différentes ont installé sur leur smartphone l’application correspondant à leur complémentaire, Active365 chez CSS et Helsana+ chez Helsana. Ils ont monitoré leurs activités avec ou sans montre connectée – Garmin Forerunner 35, Apple Watch Series 6 GPS/3G, Fitbit Inspire 2 – selon les périodes pendant trois mois. Premier constat: un bracelet d’activité (traqueur) facilite grandement le suivi; l’outil est même indispensable pour calculer le nombre de pas. L’assuré est doublement poussé à la consommation: d’abord parce que l’assurance lui propose un achat à prix réduit, ensuite parce que ce bracelet lui permet d’augmenter sa récompense. Or son utilisation engendre la collecte d’un volume important d’informations et, en intégrant d’autres acteurs dans leur traitement (Garmin, Google, Apple, etc.), multiplie les risques concernant les données personnelles.
Au terme de l’expérience, chaque personne a demandé à obtenir les données collectées tant par la montre, l’application que par l’assurance-maladie elle-même. Le droit d’accès a été relativement facile à exercer. La lecture des données, en revanche, a été une autre paire de manches, en particulier pour les traqueurs d’activité. Le nombre de fichiers était important et leur mise en forme indigeste. Difficile donc de contrôler ce qui a été saisi et de se déterminer sur le sort des données, notamment pour les faire rectifier ou les supprimer.
Traqueur trop curieux
Notre analyse permet d’affirmer qu’à l’heure actuelle, ce ne sont pas les applications qui brassent le plus de données mais les traqueurs. Ainsi, l’application Helsana+ collecte les calories brûlées, alors que la Fitbit saura dire quelle distance a été parcourue, le dénivelé, les minutes actives, le nombre de pas effectués, la fréquence cardiaque, voire les heures de sommeil et la température corporelle. Partant de ces informations, couplées à l’âge, au sexe, au poids et à la taille, le traqueur calcule la consommation d’oxygène dans le sang à l’effort, les minutes actives durant la journée ou le rythme cardiaque. D’autres scores sont déductibles, notamment la qualité du sommeil ou de stress. En clair, il génère des indications concrètes sur l’état de forme physique.
Sportif pas assez méfiant
Il en va de même pour l’application Active365 de la CSS, laquelle collecte les informations relatives au nombre de pas effectués, la distance parcourue, les calories brûlées ou encore la durée de l’activité tandis que la Apple Watch aura déterminé l’énergie au repos, l’équilibre à la marche (en fonction de la longueur des pas)… ou l’hygiène des mains.
Les applications santé collectent quant à elles des informations directement: quiz, questions ciblées sur les habitudes et les objectifs de la personne, sur les programmes d’activité auxquels elle a souscrit, sur ses recettes culinaires favorites, etc. Elles peuvent également inviter l’assuré à collecter des points en transmettant des photos prouvant son affiliation à un club de sport, un check-up préventif auprès d’un médecin, l’image d’un plat équilibré ou encore une de soi sur un parcours Vita. Tout cet ensemble donne un profil de personnalité révélateur.
Alors, le jeu en vaut-il la chandelle pour l’utilisateur et à qui profite-t-il? On constate qu’il est difficile de savoir combien de points par activité ou sur une année un utilisateur moyen peut réellement espérer gagner. On ne sait pas non plus la valeur des données transmises et combien de revenus elles génèrent pour les entreprises. Outre les cas de cyberattaque, il paraît néanmoins clair que les risques (voir encadré) découlant de ce traitement massif de données ne sont pas compensés par les avantages promis et que les grands gagnants ne sont pas les assurés.