Cartes de fidélité

Entre surveillance et récompense

Selon le sociologue Sami Coll, les distributeurs font un usage modéré des données récoltées sur leur clientèle.
Alimentation E-commerce Protection des données

Archive · 27 janvier 2015

Rares sont les Helvètes à ne pas posséder une carte de fidélité. Et si la majorité des clients savent pertinemment que leurs habitudes d’achat sont enregistrées, peu d’entre eux sont conscients de ce que les distributeurs font de leurs données. Pour l’heure, leur exploitation par les firmes suisses semble relativement peu poussée, comparé aux pays anglo-saxons, avance Sami Coll. Mais pas de quoi se bercer d’un angélisme candide. «La surveillance exercée dans le domaine privé est bien plus étendue que celle de l’Etat. Dès lors, pourquoi collecter tant de données, si ce n’est dans un but de profits futurs?» s’interroge-t-il.

Le sociologue a mené une enquête approfondie, entre 2007 et 2009, interrogeant des managers et des employés de Migros, Coop, Manor et Fnac, ainsi que de nombreux consommateurs. Dans son ouvrage, Surveiller et récompenser: les cartes de fidélité qui nous gouvernent, le Genevois rappelle que la M-Cumulus est née en 1997. Pour ne pas se faire doubler par son principal concurrent, Coop a lancé à la hâte son propre programme de fidélité. «Détail piquant: la Supercard n’était pas personnalisée. En fait, tout le monde avait le même numéro!» On est encore loin du data mining, l’exploration des données.

Publicité ciblée

«Une fois les caisses des supermarchés connectées, stocker des données n’est plus si onéreux», relève Sami Coll. Mais pour en faire quoi? «Chaque distributeur a sa stratégie. Manor, dont la carte est aussi un moyen de paiement, dispose de plus d’informations sur ses clients que les autres, notamment sur leur solvabilité. A l’époque, il faisait un peu de clustering, soit des recherches de règles d’association dans le but, notamment, d’aménager ses magasins.» Chez Migros et Coop, il s’agit plutôt de publicité ciblée, plus ou moins systématisée. Par exemple: faire découvrir un produit plus lucratif à un consommateur de boissons sucrées ou une succursale à une personne qui viendrait de déménager.

Le pouvoir de demain

«A ma grande surprise, ajoute Sami Coll, les distributeurs ne faisaient qu’un usage modéré des méthodes d’analyse les plus poussées.» Parmi les raisons avancées par les cadres interrogés, les investissements considérables en technologies et en personnel qualifié. Reste que tout est en place pour aller bien plus loin dans le «marketing relationnel», grâce à des algorithmes de plus en plus puissants.

Et le sociologue de citer un projet américain – aujourd’hui abandonné – dont l’idée était d’offrir des primes maladie plus avantageuses aux employés achetant des produits sains. Entre émerveillement et effroi devant ce qu’internet et les technologies ouvrent comme possibilités et dérives, Sami Coll se dit convaincu que les entreprises, les GAFA en tête, soit les Google, Apple, Facebook et Amazon, qui ont fait des données un business juteux, détiennent le pouvoir de demain. «Nous vivons une ère paradoxale, faite de contradictions, avec quelques garde-fous, comme la Loi sur la protection des données en Suisse, et un big data, soutenu par l’économie, qui cherche à regrouper toutes ces informations. Au milieu, des consommateurs dont le discours oscille entre la résignation ou l’attitude «rien à cacher». L’avenir sera-t-il un triomphe de la société de la transparence ou verrat-on une mobilisation des individus pour défendre leur sphère privée? Affaire à suivre.» Ou à surveiller…

Agir
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