Santé
Du bisphénol A caché là où on ne l’attend pas
02 mars 2012

Berne serait-elle une île ? Alors que l’Union européenne a interdit en 2011 la présence de bisphénol A (BPA) dans les biberons et pense à des mesures additionnelles, la Confédération, elle, reste en position d’observation, estimant encore que le consommateur n’a rien à risquer de son exposition, trop faible, à cette substance.
Le bisphénol A ? Un monomère qui entre dans la fabrication des plastiques et des résines époxy. Mais surtout une substance identifiée comme perturbateur endocrinien, un pouvoir qui dérive de la proximité de sa structure moléculaire avec celle des hormones sexuelles féminines, les œstrogènes. Nombre d’études ont montré les effets négatifs du bisphénol A sur toutes sortes d’organismes. Sur les poissons mâles notamment, chez qui l’on a détecté d’inquiétantes chutes de fertilité.
Même s’il n’a ni nageoires ni écailles, l’être humain n’est pas à l’abri des effets du BPA. A ce jour, plusieurs études scientifiques suggèrent que l’absorption de bisphénol pourrait être liée à des cas de cancer du sein et de la prostate, d’obésité ou d’anomalies du développement et de la reproduction.
De l’emballage à la nourriture
Sur le front de la traçabilité, le consommateur helvétique n’est pas aidé. Il appartient encore au bon vouloir des fabricants de mentionner si oui ou non leur produit contient du BPA. Il y a certes les numéros de recyclage qui permettent parfois d’identifier les résines utilisées dans la fabrication de plastique, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leur lecture n’est pas aisée.
Pour pallier ce manque, et constatant que les plastiques et les résines occupent une place de choix dans le conditionnement des denrées alimentaires, la FRC a décidé de tester toutes sortes d’emballages en quête de traces de BPA. Rappelons que le couple aliment-emballage ne se contente pas de regards, l’un et l’autre interagissent, très souvent par un échange de molécules, ce que les spécialistes appellent la «migration». C’est bien évidemment ennuyeux quand cette migration met en scène le passage du BPA contenu depuis l’emballage dans les aliments qu’il enveloppe.
Sans grande surprise, les tests, confiés au Service de la consommation et des affaires vétérinaires du canton de Vaud, n’ont mis en évidence aucune trace de BPA dans les biberons. Il faut certainement y voir l’effet de l’interdiction par la législation européenne de 2011.
Ce qui est plus étonnant, en revanche, c’est qu’aucun autre produit plastique – ou presque – n’a montré de trace de BPA. Qu’il s’agisse d’une gourde, de films alimentaires de différents modèles, de sachets de cuisson à la vapeur ou encore de barquettes de plats cuisinés. C’est dans cette dernière catégorie que l’on trouve un mouton gris, à défaut d’être noir: un plat précuisiné de spaghetti Napoli avec un taux de 7,96 microgrammes/kg, lequel est considéré comme faible.
Bannir la sauce tomate au thon ?
Faut-il se réjouir de ces résultats ? On le peut, mais en gardant à l’esprit que les tests ont pu échouer à mettre en évidence la présence de BPA. Non que les calculs aient été mal faits ou la procédure mal pensée, ou les instruments mal calibrés, mais la migration peut s’opérer à la faveur de différents paramètres, comme la chaleur, le pH. Pour des raisons pratiques, il n’était en effet pas possible de soumettre chaque échantillon à une batterie de conditions aussi différentes.
Une chose est sûre: une telle débauche de moyens n’aura pas été nécessaire dans le cas des boîtes de conserve. En plastique ? Non, bien sûr. En revanche, leur intérieur est recouvert de résine époxy dont la fonction est d’éviter la corrosion, de ne pas interagir avec le goût des aliments, mais également de rendre le métal résistant aux températures élevées nécessaires à la stérilisation. Dans tous les cas, sauf un, les conserves de tomates concassées et de thon contenaient des concentrations de BPA entre 6,43 et 50,01 microgrammes par kilo. Loin du seuil des 600 microgrammes par kilo fixé par la loi helvétique, même s’il ne faut jamais oublier l’effet de cumul.
En résumé...
Biberons
La plupart des biberons sont aujourd’hui exempts de bisphénol A et étiquetés comme tels. Ces résultats ne sont guère surprenants, le BPA étant interdit en Europe. Comme il est possible que certains contiennent un autre bisphénol, moins connu, celui de type S, aux effets guère plus engageants, on privilégiera les biberons en verre.
Plastique alimentaire
Films alimentaires, sachets de cuisson, boîtes de conservation, gourdes... Nos analyses démontrent que ces emballages sont exempts de BPA. Il n’empêche, mieux vaut éviter d’utiliser le micro-ondes afin d’empêcher la migration d’autres substances chimiques.
Plats précuisinés
Dans les barquettes d’aliments conditionnés, notre test n’a mis en évidence aucune trace de BPA. Seule exception: les spaghetti Napoli M-Classic. Pour le consommateur, impossible de distinguer un bon ou un mauvais plastique. Parade: réchauffer le plat dans une assiette plutôt que son emballage.
Boîtes de conserve
La très grande majorité des boîtes sont revêtues à l’intérieur de résine époxy contenant du BPA. Seul produit à sortir son épingle du jeu: le thon rosé au naturel de Denner. Dans la mesure du possible, on leur préférera des produits surgelés. Ou, mieux, des produits frais. Et on évitera aussi la pratique du bain-marie.
Consultez les résultats complets de notre test, marque par marque
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