Poisson

De l’eau au prix du filet

Les industriels de la pêche n’hésitent pas à gonfler artificiellement la chair. Sur vingt poissons, seuls six échantillons sortent la tête de l’eau.
Alimentation Nourriture et boissons

Archive · 31 mars 2015

Shutterstock / diamant24

Pangasius, colin, cabillaud et noix de Saint-Jacques: le charmant plateau de produits de la mer que voilà n’est pas destiné à vous faire un mauvais poisson d’avril, foi de testeur! Notre équipe d’experts a envoyé au laboratoire vingt échantillons de poissons frais, conditionnés en barquette sous atmosphère protectrice ou congelés, et vendus dans les grandes surfaces romandes.

But de la manœuvre: faire analyser les teneurs en protéines et en eau de leur chair pour déterminer si, comme en France, il y a fraude sur la marchandise. Dans l’Hexagone, en effet, la conclusion des travaux du Syndicat national du commerce extérieur des produits congelés et surgelés est sans appel: 48% des pangasius sont non conformes et contiennent de l’eau ajoutée artificiellement pour faire gonfler le poids du produit.

Pour évaluer la qualité de nos échantillons, nous nous sommes appuyés sur leur teneur en eau et en sodium. Pour être conformes, nos filets ne devaient pas contenir cinq fois plus d’eau que de protéines, ni le sodium dépasser la valeur de 720 mg/kg, fixée par la Food and agriculture organisation des Nations Unies. Au-delà, on peut considérer que la marchandise a été gonflée à l’eau. Or, notre tableau le montre, seuls six échantillons s’en sortent la tête haute et 20% des filets ne sont pas gonflés à l’eau: un résultat plus que déplorable.

Additifs passés sous silence

Certains de nos emballages ont l’honnêteté de préciser la présence d’eau ou de «glaçure». Cette dernière agit comme un enduit protecteur autour du produit durant le processus de congélation. Cette eau de glaçure ne doit pas être comptée dans le poids net du poisson; nous l’avons donc retirée avant d’effectuer les mesures. Notons cependant que de nombreux autres emballages n’indiquent dans la liste des ingrédients que la dénomination du poisson. Le procédé devient trompeur dans la mesure où le laboratoire peut prouver que le produit a été artificiellement gonflé pour atteindre le poids net indiqué sur l’emballage.

En dehors de cette technique par aspersion, la chair peut également être imprégnée d’eau, avec ou sans ajout de rétenteurs chimiques. En Europe, en Asie ou aux Etats-Unis, les fabricants utilisent toutes sortes de mélanges, que l’on regroupe sous le terme de «cryoprotecteurs». Ces substances sont censées pallier les défauts dus à la congélation. Ces additifs s’emploient seuls ou en association, par trempage ou par injection.

En premier lieu, on trouve des phosphates (E339 à E343) et des polyphosphates (E450, E451 et E452). Ils permettent de retenir jusqu’à 15% d’eau dans les protéines et leur usage avait scandalisé les consommateurs dans les années 1970 déjà. Leur usage est néanmoins autorisé dans les filets et les fruits de mer congelés et surgelés, à condition d’être déclaré sur l’étiquette. Ils sont en revanche interdits dans les filets frais. Aujourd’hui, les industriels les utilisent de moins en moins car ils donnent un goût savonneux et une texture gélatineuse aux produits, qui deviennent translucides. Autre procédé: l’acide citrique (E330). Il sert à améliorer l’aspect des chairs en les blanchissant, et retient également l’eau. Cet acide peut aussi camoufler l’usage d’additifs interdits dans les filets nature, comme les carbonates.

Sel indésirable

Autre signe d’alerte: la teneur en sodium, dont nous avons trouvé des valeurs très élevées. Certains échantillons en contenaient jusqu’à 2000 mg/kg, soit plus du double de la valeur normale. Voilà qui révèle clairement un ajout volontaire. Bien qu’il soit impossible d’identifier l’origine précise de ce sodium, plusieurs pistes sont envisageables. La plus sérieuse est l’adjonction de carbonate de sodium (E500). Cet additif, interdit dans les filets bruts, est utilisé en cachette pour donner bonne façon: il retient l’eau et améliore la couleur. L’autre source potentielle est un ajout de sel de cuisine non déclaré. En l’état, les techniques de détection ne sont pas suffisamment au point pour dénoncer une fraude. Il n’empêche, aucun de ces additifs n’est désirable dans des produits non transformés. Sinon, l’appellation «Préparation de filet de poisson avec eau ajoutée» serait plus appropriée et devrait figurer bien en vue sur la face principale de l’emballage.

Moralité? Bannissez les filets de poissons de mer importés, et préférez-leur des poissons entiers et de pêche locale.

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