Fairphone
A quand le coup de fil éthique ?
Archive · 02 juillet 2013

Bas van Abel est difficile à joindre. Débordé par le succès de sa start-up, Fairphone: celle-ci va commercialiser en octobre le premier smartphone équitable. «Aussi équitable que possible», tempère le designer de profession, conscient de la montagne qui reste à gravir. A la mi-juin, la société avait déjà enregistré plus de 9000 commandes.
Fairphone veut imposer la transparence dans une industrie très opaque, où on détourne pudiquement les yeux face aux conditions de travail des mineurs africains ou des ouvriers chinois. Un programme ambitieux, difficile: «Nous aurions pu faire comme la majorité des fabricants et aller chercher nos matériaux en Australie, relève Bas van Abel. Mais ça n’aurait pas contribué à améliorer la situation en Afrique.»
L’entreprise amstellodamoise s’est donc raccrochée à des initiatives existantes, comme Solutions for Hope au Congo, lancée par Motorola. Sa garantie: les mines qui lui fournissent certains métaux – le tantale et le zinc – ne financent pas les factions armées. «Nous ne sommes pas dupes, il y a de fortes présomptions que ces mines emploient des enfants. Mais en donnant du travail à ces gens, on les empêche de rejoindre les milices. On peut influencer le cours des choses.»
Fairphone a suivi le même raisonnement en produisant son smartphone en Chine, dans l’«atelier du monde»: «Aller ailleurs équivaudrait à éviter le problème.» La start-up préfère faire face, prônant une politique des petits pas: «Chaque nouveau modèle sera plus éthique que le précédent. Et à mesure que notre marché grossira, nous aurons plus de poids pour inspirer de bonnes pratiques.» Sans entrer dans un cycle de produits délirant façon Apple, le second Fairphone est déjà prévu pour le deuxième trimestre 2014.
Pour sa première version, la société a vu petit: elle produira 20 000 téléphones, pas un de plus. «On aurait pu en faire le double, mais on courait alors le risque d’exploser en vol.» Car, pour mener à bien le projet, il faut d’abord construire un business viable. «Nous sommes une entreprise sociale. Nos profits seront donc réinvestis dans la société pour produire plus d’impact.»
Pousser au changement
Le principe séduit aussi les ONG «C’est une super idée, un projet pionnier, note Géraldine Viret, responsable de la communication à la Déclaration de Berne (ladb.ch). Même si, en l’état, on ne peut pas considérer ce «fairphone» comme un téléphone équitable. Ce nom a valeur de programme.» Elle ajoute encore qu’il est «très positif» que la société investisse à long terme en RDC, un pays que beaucoup d’entreprises préfèrent quitter.
Plusieurs opérateurs sont également intéressés. Le néerlandais KPN soutiendra le Fairphone, et d’autres ont contacté la société: Vodafone, T-mobile, Telefonica, mais aussi Swisscom, suite à la demande de clients. «C’est la preuve qu’on peut faire bouger les choses, à tous les niveaux: les clients eux-mêmes peuvent pousser au changement», se réjouit Bas van Abel. Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom, confirme qu’une collaboration est à l’étude.
Associer la marque Fairphone à des piliers de l’industrie, n’y a-t-il pas un risque de récupération? «C’est évident, les opérateurs achètent une bonne image, admet Bas van Abel. Mais on les utilise aussi: quand l’un d’eux promeut le Fairphone, c’est un gage de qualité, les acheteurs potentiels nous prennent au sérieux.»
Plus d'infos sur fairphone.com
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