Commerce équitable

Fairtrade, un business comme les autres ?

Entre la nécessité de faire décoller les ventes et la volonté de conserver ses valeurs citoyennes, le fairtrade est à la croisée des chemins. Notre enquête.
Alimentation Emballages et étiquetage Argent Prix

Archive · 29 avril 2014

Le développement durable a le vent en poupe. Selon le State of Sustainability Initiatives (SSI) – un rapport indépendant, publié fin janvier, analysant 16 standards de durabilité parmi les plus connus –, la production issue de cultures certifiées a bondi de 41% en 2012 (pour une valeur commerciale de 31,6 milliards de dollars), contre 2% de hausse pour le marché dit «conventionnel» des mêmes matières premières. Une évolution réjouissante qui démontre que les consommateurs des pays industrialisés sont prêts à débourser un peu plus, pour autant que ce qu’ils achètent ne soit pas au prix des larmes et de la santé des personnes en début de chaîne de production. Ni de l’environnement dans lequel elles vivent.

Une dépense de 53 francs par Suisse

Mais cette belle croissance est relative. Ainsi, la banane, le fruit le plus consommé dans le  monde: seuls 3% de sa production remplissent des critères «durables», selon le SSI. Autre exemple: le cacao, dont 1,2% des échanges se font sous le sceau du commerce équitable. «Les Suisses, pourtant champions en la matière, dépensent chacun 53 francs par an pour ces produits. Il reste beaucoup de chemin à faire», estime Fred Lauener, chez Max Havelaar Suisse. Pour doper ses ventes, la fondation a donc introduit en début d’année une nouvelle certification: les Programmes d’approvisionnement fairtrade (FSP).

Trois matières premières,  dont les versions équitables peinent à trouver preneur, sont concernées: le cacao, le sucre et le coton. Identifiables par de nouveaux logos, ces articles ne contiendront en fait qu’un seul ingrédient issu de ce type de commerce (contre 20% du poids total du produit dans la certification traditionnelle). Objectif pour FLO (Fairtrade Labelling Organizations International), la maison mère de Max Havelaar: doubler son chiffre d’affaires dans tous les pays où elle est présente à l’horizon 2017, pour atteindre plus de 12 milliards de francs. Les entreprises semblent déjà séduites: Coop, Switcher et Kambly, en Suisse, Mars (pour sa marque Twix), Lidl et Rewe, en Allemagne, ont répondu à l’appel.

Une version light qui inquiète

Si les motivations sont louables (rappelons que plus de 1,3 million d’agriculteurs du Sud travaillent avec FLO), cette version light suscite une avalanche de critiques dans le milieu associatif, notamment auprès des acteurs historiques. Parmi eux, les Magasins du Monde, pionniers du commerce équitable en Suisse romande, dont les 39 magasins fêteront fin mai leurs 40 ans d’existence. «Ces nouveaux standards sont un affaiblissement; nous craignons que ne s’instaure un commerce à deux vitesses, s’inquiète Christiane Fischer, coordinatrice romande. Plus de visibilité et de ventes, certes, mais pas à n’importe quel prix!» Un avis partagé par des petits producteurs, en particulier en Amérique latine, et des ONG, qui, comme Claro, en Suisse alémanique ou Gepa, en Allemagne, ont pris leurs distances avec Max Havelaar.

Reste que les débats autour des programmes FSP sont emblématiques d’un questionnement plus global. A savoir: qu’est-ce que le développement durable aujourd’hui? Le commerce équitable doit-il viser plus de volume, au risque de perdre son âme? Les valeurs de l’écologie et les intérêts des petits producteurs sont-ils vraiment conciliables avec celles des multinationales dont une poignée de mastodontes dominent, en général, les marchés des matières premières? Quelle est la responsabilité des distributeurs, dont la pression sur les prix est féroce?

Enfin, surtout, comment les consommateurs peu-vent-ils faire leur choix en toute conscience, à l’heure où plus de 400 labels de durabilité coexistent dans le monde, sans compter les programmes internes mis en avant par le marketing des multinationales… Impossible de donner des réponses simples, tant les problématiques et les pratiques varient d’un produit, d’une certification ou d’une entreprise à l’autre. Mais, dans un environnement où le commerce durable prend de l’ampleur, une définition harmonisée, le contrôle d’un organisme indépendant et des preuves documentaires de la mise en œuvre des engagements se révèlent d’une nécessité criante.

Plus sur les labels: labelinfo.ch
Rapport SSI: sustainablecommodities.org/ssi

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