Nutrition
Superaliments: dépasser le marketing et penser régional
03 février 2021
Des baies d’Amérique du Sud ou d’Asie, des graines des Andes et d’autres plantes jusqu’ici inconnues sous nos latitudes promettent d’être la solution à divers problèmes de santé. Comme toutes les denrées d’origine végétale, ces nouvelles venues sur le marché peuvent participer à une alimentation équilibrée et favorable à la santé. Toutefois, le terme suggestif de superaliment relève plutôt du marketing. Toutes les allégations soumises ont été refusées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments EFSA au motif qu’il manquait des preuves scientifiques, d’autres ont été retirées avant même l’évaluation. Ces denrées sont effectivement riches en vitamines, en minéraux, en fibres ou en antioxydants. Mais les taux de nutriments testés dans les éprouvettes sont trop élevés pour être transposables à une alimentation au quotidien.
Superaliment mis en avant sur l’emballage? Lecture d’étiquette conseillée!
Les promesses de santé font monter les prix. Certains fabricants essaient de profiter de l’engouement général en montrant un superaliment sur l’emballage de son produit transformé. Pourtant le bircher, la boisson ou la barre de céréales ne contiennent souvent qu’une quantité minime de cet ingrédient cher. Hélas, la législation suisse n’exige pas une teneur minimale dans ce genre de cas et le fait qu’il s’agit d’un produit composé ne doit pas figurer sur la face avant. Il est donc vivement conseillé de lire l’étiquette quand l’emballage montre un superaliment! Les baies, graines, etc. non transformées sont le meilleur choix.
Pas si bons pour l’environnement
Comme il s’agit d’aliments à la mode, la croissance subite de la demande déstabilise les systèmes de production locaux. Epuisement des réserves d’eau fossile pour cultiver les avocats, destruction de la rotation des cultures pour augmenter la production de quinoa, renchérissement local des baies d’açaï: ces exemples montrent les effets de l’accélération de la demande sur les populations locales. S’y ajoute le transport, souvent par avion. Des analyses effectuées par nos collègues allemands et belges ont montré des résidus fréquents de pesticides, d’huiles minérales, de plomb et de cadmium dans le produit fini. Mieux vaut donc miser sur un produit du commerce équitable et un label bio crédible.
Du local, moins cher, plus durable… et tout aussi super
Les produits qui poussent plus près de chez nous peuvent être tout aussi sains et plus abordables. Leur teneur en vitamines, en minéraux et en antioxydants est aussi intéressante, même sans qualificatif de superaliment. Des céréales complètes, des graines, des légumes, des fruits et des baies cueillis en pleine maturité, peu transformés sont la meilleure base pour une alimentation saine et savoureuse… tout en étant de proximité. Les denrées exotiques peuvent apporter de la variété occasionnellement. Mais alors, autant les choisir peu transformées, de production biologique et équitable.
Des alternatives plus locales?
Le chou plume de nos grands-mères a été propulsé dans la catégorie des superaliments sous son nom anglo-saxon: kale. Comme tout chou, il apporte du potassium, de la vitamine B6 et des folates ainsi que des glucosinolates bioprotecteurs. Il est plus riche en vitamine C que l’orange. Le kale s’intègre bien dans une alimentation équilibrée et durable, surtout quand il est produit localement. Il peut toutefois très bien être remplacé par du chou frisé, plus facile à trouver toute l’année et beaucoup moins onéreux. Toutes les variétés de choux ont des apports intéressants pour la santé. Ils méritent d’être remis au menu… mais revisités avec des recettes moins grasses que celles de nos ancêtres.
Le Moringa oleifera est un arbre du nord de l’Inde. Ici, le produit s’achète en poudre, une forme méconnaissable et pas sans risque de tromperie. On en trouve aussi dans des tisanes. Certaines d’ailleurs n’en contiennent que 4%, alors que l’ingrédient figure en première place sur l’emballage (Kusmi Tea Happy Mind). Dix grammes de poudre, a priori un concentré nutritif si le produit est de qualité, contiennent autant d’antioxydants, vitamines A et B6 que 100 g de rampon frais. Mais sachant que l’on trouve régulièrement des résidus de pesticides et de perchlorate dans la poudre de moringa, autant privilégier le local.
Réputées pour leurs propriétés protectrices et anti-âge, les baies de goji sont vendues uniquement séchées. Leur conditionnement varie: fruit entier, en poudre ou comme ingrédient dans un aliment composé. Or, on trouve régulièrement des résidus élevés de pesticides dans ces denrées originaires de Chine. Ces baies poussent aussi sous nos latitudes, les choisir bio et suisses est donc une option. Les framboises, raisinets, cassis ou cerises sont nutritivement tout aussi riches. Mangés frais, ils sont encore plus goûteux et meilleurs pour la santé.
La culture du chanvre est millénaire, mais la mode des superaliments a mis cette plante au goût du jour. En graines nature ou torréfiées, sous forme d’huile, moulus en farine, les chènevis entrent dans la composition du pain, des mélanges pour bircher ou salade, agrémentent un yogourt. Riches en protéines, ils ont une teneur favorable en acides gras mono- et polyinsaturés. Deux familles d’oméga 3 et 6 s’y trouvent en bonne proportion – comme dans les noix et les graines de lin, des produits qui ont l’avantage d’être produits localement et avec soin contrairement aux graines de chanvre qui proviennent de Lituanie, Lettonie et Roumanie.
Les baies d’aronia, originaires d’Amérique du Nord, sont désormais cultivées à petite échelle en Suisse. Leur teneur en tanins étant élevée, elles sont généralement vendues séchées. Sinon, elles entrent dans la composition de birchers ou de boissons où des ingrédients sucrants atténuent leur amertume. Outre des vitamines (C et E) et des minéraux (potassium), ces fruits sont surtout connus pour leur teneur en anthocyanes et autres flavonoïdes antioxydants. Myrtilles, mûres et cassis en sont tout aussi riches, et plus goûteux encore lorsqu’ils ont mûri au soleil.
Ces baies viennent du Brésil où elles sont consommées fraîches ou en jus. Elles sont transportées surgelées, lyophilisées ou concentrées pour être transformées en Suisse. Riches en matières grasses, elles contiennent des vitamines (A et E) et des minéraux (calcium et manganèse), mais elles sont surtout connues pour leur teneur en anthocyane, censé combattre les radicaux libres. Ce colorant foncé abonde aussi dans des aliments locaux comme le cassis, le chou rouge et les baies de sureau à récolter à la bonne saison. Le sureau se consomme cuit.
Le quinoa, aliment de base dans les Andes, est apprécié des végétariens pour ses protéines de bonne qualité. La forte demande mondiale a fait flamber les prix et déstabilisé l’agriculture traditionnelle dans son pays d’origine, la Bolivie. La solution? Recourir à un produit labellisé commerce équitable ou opter pour le quinoa cultivé en Suisse (env. 20.–/kg). Sinon, se tourner vers l’avoine ou le millet suisses ou européens. Tous deux sont aussi riches en protéines et en minéraux (fer, magnésium, potassium, zinc) et, en principe, sans gluten.
Les graines de chia importées du Mexique et d’Amérique du Sud entrent dans de nombreuses recettes véganes. Plongées dans l’eau, elles gonflent et deviennent visqueuses (mucilage). Elles apportent fibres, protéines et oméga-3, ainsi que divers minéraux (calcium, fer, magnésium, zinc). La dose est de 15 g par jour, selon les recommandations de l’EFSA, une quantité qui limite donc leur portée. En outre, les graines de lin broyées locales ont les mêmes vertus. Attention, toutefois, certains lots proviennent de Chine, du Canada, d’Inde… et sont égrugés en Suisse.
Les graines de grenade ajoutent couleur, vitamine C et polyphénols à une salade ou à un dessert. Le fruit vient d’Espagne, sa version prête à consommer (gobelet en plastique) est transportée par avion d’Egypte ou d’Inde, voire de plus loin encore. Rien d’optimal pour la santé de la planète! Venant d’Europe, les oranges voyagent plus lentement et contiennent cinq fois plus de vitamine. Méfiance: certaines boissons dont l’emballage montre une grande grenade contiennent une très petite part de ce jus cher, le reste étant du thé sucré.
Réputées pour leurs propriétés protectrices et anti-âge, les baies de goji sont vendues uniquement séchées. Leur conditionnement varie: fruit entier, en poudre ou comme ingrédient dans un aliment composé. Or, on trouve régulièrement des résidus élevés de pesticides dans ces denrées originaires de Chine. Ces baies poussent aussi sous nos latitudes, les choisir bio et suisses est donc une option. Les framboises, raisinets, cassis ou cerises sont nutritivement tout aussi riches. Mangés frais, ils sont encore plus goûteux et meilleurs pour la santé.