4.10.2016, Lionel Cretegny / Photo: Jean-Luc Barmaverain
Et que trouve-t-on au rayon des grandes surfaces? Une denrée à l’origine parfois floue et mondialisée. Mais exempte de pesticides.
Fleur après fleur, gramme après gramme, les abeilles ramènent le nectar à la ruche, pour obtenir jusqu’à 30kg de miel en juin déjà. Ces infatigables butineuses s’exposent aussi aux phytosanitaires largement utilisés dans la nature et qu’on retrouve dans leurs récoltes. Or le miel n’est pas une denrée lavable, reste donc à déterminer si des traces de pesticides s’étalent sur nos tartines. Raison pour laquelle nous avons envoyé au labo dix pots du commerce.
Autant vous rassurer, l’analyse n’a révélé aucune molécule indésirable. Deux explications à cela: d’abord, l’abeille détoxifie le fruit de son travail, les pesticides restent donc dans ses graisses. Une bonne part des ouvrières meurent ainsi avant d’atteindre la ruche. Ensuite, les molécules toxiques, peu solubles dans l’eau, ne se fixent pas sur le nectar de fleurs essentiellement aqueux. On les retrouve en revanche dans la cire, le pollen ou la propolis, résine que les insectes utilisent pour colmater, coller et désinfecter leurs constructions. Les mesures d’acaricides faites dans les cires montrent ainsi des concentrations de pesticides jusqu’à 240 fois supérieures à celles du miel.
L’autre ennemi: le varroa
Acarien importé par l’homme, le varroa est une menace qui décime les ruches. Il se loge avec les larves, causant de nombreuses malformations. Une fois adulte, l’animal parasite les abeilles, les affaiblissant. Pour lutter contre lui, l’apiculteur peut recourir à un traitement à base de produits naturels (acides formique ou oxalique) ou à base de molécules de synthèse. Ces dernières, efficaces, sont fortement déconseillées par les stations de recherches apicoles suisses car elles laissent des traces dans le miel. Or deux de nos échantillons contenaient un ancien produit antiacarien, dénotant une pratique peu respectueuse.
Le bio hors analyse
Les pots labellisés bio n’ont pas été intégrés à notre échantillon parce qu’il est impossible de contrôler ce que les abeilles vont récolter: le cahier des charges prévoit que 50% au moins des surfaces environnant le rucher soient bio dans un rayon de 3km. En revanche, les critères concernant les soins apportés par l’apiculteur et les conditions de vie des abeilles sont très stricts. L’éleveur doit leur laisser d’importantes réserves de miel et de pollen pour passer l’hiver. Les colonies sont nourries uniquement avec des produits bio (sucre et miel). Il est de surcroît interdit de couper les ailes des reines pour les empêcher de trop s’éloigner et d’utiliser des acaricides de synthèse dans l’habitat. Ce dernier est, lui, obligatoirement en matériaux naturels. Une vie rendue aussi saine que possible pour ces formidables auxiliaires à qui l’on doit des fruits dans nos vergers et de l’or sur nos tartines.
Provenance: miel miracle contre chimie
La star des nectars? Le miel de manuka, issu d’un arbrisseau néo-zélandais cousin de l’arbre à thé, se présente comme tel. Il disposerait de propriétés antibactériennes et antivirales hors normes. Roi du traitement des cicatrices et des infections, champion des soins pour la peau, entre autres, les pouvoirs attribués au manuka, symbolisé par l’indice UMF (Unique Manuka Factor), font rêver. Et son prix prohibitif ne calme pas les ardeurs. La demande a explosé. Or, rien qu’en Grande-Bretagne, il se vendrait plus de pots qu’on en produit mondialement chaque année. Méfiance donc sur sa véritable provenance! Autre inquiétude, le miel de synthèse, fabriqué avec différents sucres, des enzymes et de l’eau. Un problème qui épargne provisoirement la Suisse. Sauf si le mélange le rend indétectable. Tout comme celui du miel filtré (les pollens étant retirés, son origine est intraçable). Ces derniers pourraient bien faire leur apparition en 2017 à cause de la nouvelle Ordonnance sur les denrées d’origine animale.