28.2.2018, Laurence Julliard
Probablement le goût du bonheur
Oui, j’avoue: ma saucisse à rôtir de l’autre midi avait une saveur inégalée. Tendre, juteuse, pleine de parfums. Nul besoin de condiment ou de sauce pour relever le mets. Il s’agissait d’un produit de boucherie artisanal sans comparaison avec celui, standardisé, de la grande distribution. L’expérience culinaire a servi de conclusion à une matinée de vadrouille dans la campagne vaudoise.
Je suis allée aux champs avec Eliott, comme d’autres font une promenade dominicale à la ferme avec les enfants. Eliott, tout juste la vingtaine, parle avec passion des porcs blancs qui pâturent jour et nuit, été comme hiver, sur le domaine de ses parents. Il raconte le travail au quotidien de ce mode de détention privilégié; les soins, attentifs, permanents ainsi que le temps, les uns et l’autre plus longs que dans une porcherie conventionnelle. Il explique aussi la chance qu’a sa famille: celle de disposer de vastes espaces pour laisser batifoler librement les bêtes, la possibilité de jongler avec la rotation des cultures pour déménager les enclos une fois le sol labouré par leurs groins. Il ne s’agit pas de rendre le paysage bucolique. Engraisser ainsi les cochons est une question d’éthique et de respect envers le comportement inné de l’espèce.
Des agriculteurs comme Eliott et ses parents, il y en a une poignée. Aujourd’hui, le porc de pâturage est un marché de niche, essentiellement réservé à la vente directe à la ferme, à quelques boucheries et bonnes tables de restaurant. Il faut dire que les freins à cette forme de détention sont conséquents. La pollution des sols, d’abord: la détention en milieu fermé permet en effet d’éviter que les déjections contaminent terres et cours d’eau. Ensuite, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Loi sur la protection des animaux peut être un obstacle au plein air en interdisant la pose d’agrafe ou de boucle nasale. Cette solution est pourtant la seule qui permette la mise à l’herbe tout en préservant les terrains. Ce point mériterait d’être réétudié dans certaines conditions de détention précises, quand l’espace pour pâturer vient à manquer. Des considérations dont les familles d’Eliott et aussi de Valentin peuvent heureusement se passer. Entre porcs au pâturage avec un anneau ou en plein air mais sur sol en béton, ils n’ont pas à choisir. Pour les autres, les composantes du confort restent un dilemme.
Le contact direct avec les cochons aurait-il pu me rendre sentimentale et me couper l’appétit? Avant ce froid matin de février, j’aurais été bien incapable de répondre. Après, j’ose dire que cette matinée a ajouté une touche de plaisir à mon assiette. Celle de savoir que les cochons avaient été heureux.
Sommaire
04 | Zoom
06 | actualité
06 | Première romande – Le prix de l’expresso enfin connu
08 | Assurance complémentaire – faut-il fuir les produits fermés?
09 | Clients piégés – Vols de données chez Swisscom – Foires, comptoirs et responsabilités
10 | Données personnelles – Decathlon dans notre collimateur
11 | Experts de demain – Un salon de beauté expérimental
12 | Porc de pâturage – plaidoyer pour la vie en plein air
16 | Au quotidien
16 | Aspirateur – l’affaire est dans le sac
18 | Sondage biobanques – votre avis a compté
19 | Maquillage pour enfant – du monde du jouet à celui de la cosmétique
20 | Liseuse – tout est question de format
22| Entretien – un nettoyage à un prix exorbitant
24 | Planète frc
24 | Vu d’ici
25| Nos combats
26 | La FRC vous répond
28 | La FRC vous défend
29 | Dans votre région
30 | A vous la parole
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