27.6.2023, Sophie Michaud Gigon
En tentant d’affaiblir le Nutri-score, les acteurs politiques suisses se méprennent sur les enjeux. Retour sur ce qui se joue au Parlement.
Voilà des années que les associations de consommateurs se battent pour avoir un outil facilitant la compréhension et la lecture de la composition nutritionnelle des denrées du commerce. Le Nutri-score est celui que des experts européens indépendants de l’agroalimentaire ont développé. Nestlé a été l’un des précurseurs de son introduction en Suisse. Migros et Aldi le soutiennent aussi. Depuis un an pourtant, les attaques se sont renforcées pour éviter qu’il ne s’impose. Les dernières viennent de la branche agricole, en Italie en particulier. C’est sûr que la mortadelle n’obtient pas la note A, mais ça, vous le saviez déjà, non?
Certains, dont je fais partie, ont un avis nuancé: le Nutri-score est utile, malgré ses imperfections. Et la plupart des gens qui ont un avis tranché ignorent en fait son réel fonctionnement. Cela vaut pour les parlementaires aussi. Alors même que l’apposition du Nutri-score est facultative, les sénateurs ont accepté en session d’été une motion visant à en freiner l’usage. Autant dire que devant la pression politique, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) va revoir à la baisse sa campagne nationale d’information objective.
Si la FRC soutient le Nutri-score, c’est en particulier parce qu’elle veut faire la lumière sur la piètre qualité des produits ultratransformés. Un objectif commun avec les milieux agricoles qui ont également tout intérêt à ce que les habitudes se tournent vers des produits bruts ou peu élaborés, donc peu chargés en substances délétères pour la santé. L’algorithme du Nutri-score doit d’ailleurs alerter sur leur présence et intégrer ce danger dans sa notation. De même que le système a évolué pour que l’huile d’olive soit mieux notée ou pour que le score des boissons avec édulcorants reflète le problème de ces sucres de substitution (lire p. 20).
Enterrer un outil utile en raison de fausses vérités ou d’attentes surdimensionnées est contreproductif. D’abord, parce que le marché est européen; ensuite, parce que la Suisse vise aussi d’autres scores harmonisés, comme l’éco-score, permettant de connaître l’impact environnemental d’un produit avant achat. Tant que la qualité de nos étals ne s’améliorera pas davantage et que les étiquetages demeureront abscons, nous resterons tributaires d’instruments qui visibilisent la teinte globale du caddie.