1.3.2016, Laurianne Altwegg / Le colza Cibus, issu de la mutagénèse dirigée, est déjà commercialisé hors de Suisse - Shutterstock.com
Comment considérer les manipulations basées sur le découpage de l’ADN? Les intérêts du consommateur sont-ils préservés? Enjeux.
Le Conseil fédéral l’a bien compris, la majorité de la population reste farouchement opposée aux OGM dans le domaine de l’alimentation. Il a donc récemment annoncé être favorable à la prolongation du moratoire jusqu’en 2021.
La loi a peu évolué, hormis dans certains cantons qui ont interdit les OGM dans leur agriculture, dont Genève récemment. Les scientifiques actifs dans le génie génétique, eux, n’ont pas chômé. Aujourd’hui se pose donc la question de l’évaluation de nouvelles techniques – on parle de mutagénèse dirigée – qui pourraient permettre aux OGM de rentrer par la petite porte dans nos assiettes, faute de réglementation.
Derrière le terme de «mutagénèse dirigée» sont regroupées plusieurs techniques, toutes basées sur le découpage de l’ADN. Le procédé consiste à couper une séquence à un endroit choisi, activant ainsi les mécanismes cellulaires de réparation. Des réparations qui peuvent introduire des erreurs et provoquer des mutations à l’endroit de la coupe.
Manipulations artificielles du génome ou non? Le débat fait rage
Ce sont justement ces mutations qui revêtent un intérêt: elles peuvent, par exemple, permettre de générer une tolérance aux herbicides ou d’«éteindre» un gène. Comme les mutations de séquences génétiques surviennent aussi dans la nature, le débat fait rage pour savoir si les produits émanant de ce type de manipulations artificielles du génome sont (ou non) des OGM.
Un produit considéré comme un OGM tombe sous le coup du moratoire. Il ne peut donc pas être cultivé en Suisse, et est soumis à un étiquetage ad hoc. Surtout, l’entreprise qui le commercialise doit fournir un descriptif de la séquence modifiée, permettant de tracer le produit. La qualification des produits issus de la mutagénèse dirigée revêt donc une importance majeure pour conserver la transparence des produits.
Techniques à réglementer
Comme nous l’explique Luigi D’Andrea, docteur en biologie et secrétaire exécutif de l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique, «les partisans des biotechnologies font pression pour que ces nouvelles techniques de manipulation échappent à la réglementation qui concerne les OGM. L’argument principal consiste à dire que les modifications ne concernent que quelques lettres de l’ADN, et que cela pourrait tout à fait se produire dans la nature.» Au vu des risques existants quant à la sécurité des produits, l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique revendique que le moratoire sur les OGM inclue plantes et animaux modifiés par ces nouvelles techniques ainsi que leurs produits.
Dans un domaine aussi sensible, le principe de précaution doit pouvoir s’appliquer, le temps d’évaluer risques et conséquences. D’autant que certains produits issus de la mutagénèse dirigée sont déjà commercialisés hors de Suisse. C’est le cas du colza Cibus, variété tolérante aux herbicides autorisée par les autorités américaines. La FRC appelle de ses voeux une réglementation rapide afin de garantir la sécurité des consommateurs et leur volonté d’obtenir de la transparence en la matière.
Lire aussi l’interview de Luigi D’Andrea.