22.7.2021, Sandra Imsand / Photo: shutterstock.com
Les vendeurs de cabillauds, colins et lieus semblent être peu au courant de la législation en ce qui concerne les informations sur les méthodes de pêche. Une lacune à corriger au plus vite, pour permettre au client de choisir des poissons pêchés durablement.
Il est frais mon poisson! Oui, mais il vient d’où et il a été pêché comment? Ce sont, en substance, les questions auxquelles une vingtaine d’enquêteurs FRC devaient trouver des réponses à l’occasion d’une mission qui leur avait été confiée au début de l’été. Ces questions sont tout sauf anodines. En effet, selon l’ONG WWF, épargner 90% des stocks halieutiques est nécessaire afin de pouvoir consommer du poisson de façon durable. Pour permettre un repeuplement des mers, il est important de renoncer à consommer des espèces issues de zones où elles sont victimes de surpêche. De même, certaines méthodes sont à proscrire, car elles favorisent les prises accessoires ou détruisent les fonds des océans. Pour choisir en toute connaissance de cause, le client doit obtenir toutes les informations utiles.
Connaître la provenance des aliments est devenu habituel. Pourtant, longtemps, le poisson a fait office d’exception, puisque, pour une raison mystérieuse, le législateur estimait que l’indication de la provenance n’était pas toujours nécessaire. Une aberration contre laquelle la FRC a lutté. Avec succès. Depuis 2018, la mention est aussi obligatoire pour la vente en vrac, que ce soit au comptoir ou au restaurant. S’agissant de poisson d’élevage ou d’eau douce, le pays doit figurer par écrit. Dans le cas de la pêche, c’est un secteur qui doit être indiqué; cette territorialité est définie par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO.
Du très bon et du catastrophique
Pour les besoins de l’enquête, une trentaine de points de vente (magasins avec comptoir de poissons et poissonneries) ont été visités dans les cantons de Genève, Vaud, Valais, Neuchâtel et Fribourg. Les clients mystères se sont concentrés sur les quatre espèces les plus fréquemment utilisées dans la fabrication des bâtonnets de poissons (lire le test): colin d’Alaska (ou lieu d’Alaska), lieu noir, pangasius ou cabillaud.
Concernant l’origine de la denrée, l’écrasante majorité des commerces fournit l’information de manière conforme à la loi, à savoir par écrit. Un bon point. Seuls quelques couacs et manquements sont à déplorer. Le cabillaud, espèce la plus souvent référencée par les enquêteurs FRC, est fréquemment signalé comme venant de l’Atlantique Nord-Est, région que le WWF juge «recommandable», «acceptable» ou «non recommandable» dans son Guide poissons et fruits de mer, en fonction de la localisation précise (une information dont le consommateur ne dispose pas) et la méthode de pêche.
C’est justement sur cette dernière indication que les résultats de l’enquête sont catastrophiques. Et pourtant, l’information est cruciale pour qui veut consommer le plus durable possible. L’Ordonnance sur les denrées alimentaires d’origine animale répertorie les différentes catégories d’engins (lire encadré ci-dessous), et certains sont plus problématiques que d’autres. Par exemple, les chaluts. Ces filets coniques tirés par les chalutiers descendent jusqu’à de grandes profondeurs. Ce faisant, ils épuisent les fonds marins, détruisant en un rien de temps les écosystèmes fragiles que sont les habitats et les récifs de coraux qui ont pourtant mis des centaines d’années à se former. C’est pourquoi la technique est à proscrire absolument.
Réponses loufoques
La loi prévoit que la méthode de pêche peut être donnée par oral. Or de nombreux employés du rayon poissonnerie ne pouvaient pas renseigner précisément les enquêteurs qui demandaient comment colin, lieu ou cabillaud avaient été pêchés. Seule enseigne qui tire son épingle du jeu: Manor. Le personnel du comptoir poissonnerie disposait d’un classeur dans lequel figurait l’information et pouvait donc répondre facilement et de manière correcte à l’acheteur. Chapeau!
Nos clients mystères ont également obtenu quelques propos loufoques. Tel cet employé qui a annoncé que le poisson avait été acheté «à la criée» alors que l’enquêteur désirait connaître la méthode de pêche ou lorsque cet autre a indiqué «sûrement par filets». Encore plus fantaisiste: au marché de Fribourg, le vendeur a dit «avec des petits bateaux» pour expliquer l’engin de pêche. Des réponses qui démontrent une mauvaise connaissance non seulement de la législation mais aussi de la pêche tout court. Pourtant, le client achète au comptoir justement pour pouvoir bénéficier des conseils d’un spécialiste.
Chez Migros, des employés ont voulu se montrer rassurants en rappelant les engagements du distributeur en matière de pêche et en mettant en avant le label MSC, garant, selon eux, d’une pêche exemplaire.
Concernant les promesses du géant orange: en 2012, Migros avait pris l’engagement que son approvisionnement proviendrait de sources durables en 2020. En 2021, la réalité est bien différente, puisque le distributeur annonce que 69% du poisson sauvage vendu est certifié MSC et 64% du poisson d’élevage ASC ou bio. «On s’interroge: comment Migros peut-il dire au client d’acheter le poisson l’esprit tranquille quand plus de 30% ne sont pas certifiés ? Améliorer l’offre est certes positif, mais ne doit pas servir de prétexte à réduire l’information du consommateur», dénonce Barbara Pfenniger, responsable Alimentation à la FRC.
En ce qui concerne MSC, le label indique sur son site que «des pêcheries au chalut certifiées MSC ont réalisé de nombreuses améliorations dans leurs pratiques», notamment en apportant des modifications aux engins «qui peuvent réduire les contacts entre le filet et le fond marin». Le label n’interdit pas du tout le chalutage et n’oblige même pas les pêcheries à appliquer les améliorations qu’il promeut sur son site. On est loin de l’exemplarité!
39 fr. 70/kg
Le prix moyen du cabillaud relevé durant l’enquête. Cela en fait un poisson cher, à réserver pour certaines occasions.