29.9.2015, Laurence Julliard et Rolin Wavre / De Bulle ou du Locle ? Migros n’en fait pas tout un fromage: c’est une seule et même région! Shutterstock / Ruta Production
La proximité est gage de sécurité. Mais clients et distributeurs n’ont pas le même sens des définitions. Explications.
Saviez-vous que Montreux se trouve dans le canton de Fribourg? En tout cas, pour Migros et son label «de la région», c’est du pareil au même. Cathy J., habituée à acheter du local et du bio, déplore que la laitue romaine «de la région» qu’elle a achetée à Montreux s’appelle Lattich et qu’elle provienne de Galmiz (traduisez Charmey-Lac), en Gruyère!
En quoi les notions de géographie de Migros diffèrent-elles de celles de la clientèle? La question est moins territoriale que logistique pour le distributeur orange: tout dépend de la zone que couvre une coopérative. Ainsi, les cantons de Neuchâtel et de Fribourg font-ils partie de la même entité, donnant lieu à «des aberrations, comme le fait qu’un fromage de Bulle soit vendu comme «de la région» au Locle! s’exclame Barbara Pfenniger, responsable Alimentation à la FRC. La réalité, c’est que les labels régionaux des distributeurs sont surtout destinés à mieux vendre leurs produits, en rassurant le client.»
Manor, Coop, Migros ont mis en place leurs propres labels. La Suisse ne bénéficie pas de réglementation pour les labels régionaux, chaque distributeur définit donc le sien comme il l’entend. «Ces mentions valorisantes n’ont rien à voir avec des labels de terroirs, qui, eux, sont liés à des traditions des pays de Vaud, de Fribourg, du Jura, etc., souligne encore Barbara Pfenniger. La FRC s’est battue pour l’harmonisation de ces labels-là. Et des lignes directrices nationales ont été signées cette année par des représentants romands (Pays romand-Pays gourmand, qui regroupe tous les labels du terroir) et les Alémaniques.»
Mais les choses ne sont jamais vraiment simples. Prenez la batavia. Une Genevoise s’était sentie flouée après avoir acheté une crudité «carougeoise» estampillée Suisse Garantie, alors que le producteur avait une adresse à Gaillard, en Haute-Savoie. «Il faut savoir que Suisse Garantie fixe des critères de production, comme le fait de ne pas recourir aux OGM. Cela n’a rien à voir avec la géographie, au sens pur et dur», rappelle encore Barbara Pfenniger.
L’exception genevoise
Sur ce point, la région genevoise en effet représente un cas à part. L’exiguïté territoriale du canton fait que les agriculteurs ne peuvent se contenter des terres intérieures pour garantir leur viabilité économique et alimentaire. C’était vrai déjà en 1815 avec la création des zones franches, et cela le reste, en particulier pour le lait qui approvisionne les Laiteries réunies, ainsi que pour la vigne, que nombre de viticulteurs suisses cultivent sur des terres situées au nord (Pays de Gex) et au sud (Saint-Julien, Annemasse).
Si les frontières n’ont pas bougé, la situation politique a évolué. Une première fois avec l’introduction du label Genève Région Terre d’Avenir (GRTA), en 2004, que l’antenne genevoise de la FRC a soutenu dès l’origine pour défendre une production de qualité et de proximité. Puis, ces jours derniers, grâce au feu vert donné au projet Swissness, qui permettra désormais d’utiliser l’indication de provenance suisse pour les produits issus des zones franches… pour autant qu’ils soient bel et bien cultivés dans le périmètre défini par le législateur.
«Pour mériter le label GRTA, la production en zones franches doit respecter les standards suisses», rappelait Isabelle Pasquier, membre de la Commission Alimentation et Agriculture de la FRC lors d’une récente conférence. La provenance réelle des produits issus des zones franches est indiquée: le client est informé clairement de leurs caractéristiques et achète en connaissance de cause. Finalement, l’indication la plus transparente, c’est de faire figurer l’adresse du producteur sur l’étiquette.